On le sait trop bien : il y aura des départs massifs ces prochaines années avec les baby-boomers qui partent à la retraite. Avez-vous mis les mécanismes en place pour préserver et transmettre leur expertise?
La transmission de savoir est souvent mise de côté, tant dans les secteurs privés que publics et parapublics. Parfois par manque de temps, parfois par manque d’argent. Mais aussi parce que certains employeurs sous-estiment l’impact qu’aura un départ sur l’organisation.
C’est ce que croit Julie Carignan, associée principale et psychologue organisationnelle chez SPB Psychologie organisationnelle. « Plusieurs entreprises restent à l’étape de l’identification de besoin. Le transfert d’expertise ne se fait pas en deux semaines ; il faudrait, dans l’idéal, le préparer de deux à trois ans d’avance. »
Et comme elle le précise, « ce transfert n’est pas seulement un bagage de connaissances, mais aussi de compétences ». On parle ici des connaissances générales que la personne a accumulées en faisant son travail, et des habitudes de travail et des habiletés qu’elle a pu développer au fil du temps.
Préparer la relève
On ne devrait pas seulement prévoir les départs à la retraite. Julie Carignan le souligne : « Le mouvement se fait aujourd’hui à différentes étapes d’une carrière. Dans les domaines spécialisés ou selon le niveau de complexité de la fonction, il ne faut pas attendre pour préparer son bassin de relève. » Selon elle, les entreprises du domaine manufacturier l’ont davantage compris et prennent part à des processus continus d’amélioration pour éviter de se retrouver en pénurie de main-d’œuvre et d’expertise.
Un programme de transfert d’expertise demande qu’on instaure des processus et des outils efficients adaptés à la réalité d’une organisation. Pour Julie Carignan, accéder au savoir d’un individu ne se fait pas seulement au moyen d’une entrevue de départ. Il faut pouvoir observer l’employé sur le terrain, on doit établir une cohabitation entre la relève et la personne qui s’apprête à partir, mettre en place des ateliers de transmission des connaissances et d’autres types d’apprentissage.
Éviter le mode réactif
Un transfert d’expertise efficace permet d’éviter le mode réactif et la perte d’informations précieuses, mais il y a plus. On s’assure d’une performance plus rapide, d’une transition plus efficace. « La courbe de l’apprentissage peut s’avérer coûteuse, mais si on est bien préparé, on peut réduire ce coût. En mode réactif, on augmente le risque d’erreurs », dit Julie Carignan. Certaines entreprises ne peuvent tout simplement pas se le permettre.
Elle rappelle qu’il ne faut pas sous-estimer son bassin interne de relève. Plusieurs employeurs se tournent automatiquement vers l’embauche pour remplacer un départ à la retraite, alors qu’il y a moyen de préparer et de développer une relève interne, ce qui évite aussi des coûts à l’entreprise. Pour cela, il s’agit d’investir dans le développement des individus.
Julie Carignan souligne à quel point le transfert d’expertise est aussi au cœur de l’engagement des employés. « Ceux qu’on accompagne dans un processus de transfert d’expertise et de relève se sentent plus soutenus, plus valorisés dans leur travail. Et la personne qui part en retire aussi d’importants bénéfices. « C’est mobilisant de savoir que notre expertise sera transmise, que nos connaissances ont une valeur pour l’entreprise ! »