S’intéresser aux valeurs de nos employés dès l’embauche peut paraître superflu, trop intime, voire déplacé à première vue. Pourtant, les valeurs des individus entrent en interaction avec celles de l’entreprise, ce qui se traduit par des comportements appropriés ou non aux attentes de l’employeur.
Les valeurs génèrent des attitudes et des comportements, elles influencent les perceptions et les pensées. Or, quand les valeurs d’un employé entrent en conflit avec les valeurs plus globales de l’entreprise, on cherche souvent à modifier le comportement plutôt que son origine, éludant ainsi le problème. Par exemple, un individu ayant des comportements racistes pourra se faire corriger pour ne plus agir ainsi, mais il sera primordial de discuter des valeurs d’égalité entre les individus avec celui-ci si l’on veut tenter d’influencer son attitude sur le long terme.
Que sont les valeurs ?
Sachez qu’en psychologie sociale, le domaine des attitudes distingue deux éléments : le processus mental de l’évaluation (« j’aime ou je n’aime pas ») et la présence d’un objet. Cet objet d’attitude peut être concret (la pizza aux anchois), abstrait (être féministe), inanimé (les ordinateurs), personnel (le président Bush) ou de groupe (les écologistes). Certaines attitudes sont connues sous des termes spécifiques tels les préjudices (attitudes négatives envers des groupes sociaux), l’estime de soi (attitude envers soi) et les valeurs (attitudes envers des entités abstraites).
La connaissance de ces valeurs va avoir un impact sur l’aspect interpersonnel : en effet, si l’on connaît les attitudes et valeurs d’un individu, ce dernier aura des comportements davantage prévisibles, ce qui est plus rassurant. On peut parfois vouloir changer l’attitude d’un individu dont les valeurs nous dérangent alors que l’on se sent proche de lui. Les propos du joueur Plekanec, par exemple, déclarant récemment : « J’ai joué comme une fillette », ont pu choquer, notamment, les femmes et les hockeyeuses… Les propos du joueur dérangent beaucoup d’amateurs de hockey qui désireraient un changement d’attitude de sa part en tant que modèle sportif, en particulier pour les filles. Car ici il y a un conflit : comment-en tant que « fillette » suivre un modèle si nous pensons que ses valeurs nous dénigrent ?
Des valeurs universelles
Selon Schwartz (1994), les valeurs sont des croyances qui vont promouvoir des situations agréables, vont transcender des situations particulières et vont guider le choix ou l’évaluation du comportement des gens et des événements. Elles sont ordonnées en importance relative. Sur 44 pays étudiés, les valeurs universelles de réussite, de conformité, de sécurité sont surtout ressorties. De plus, deux valeurs plus interpersonnelles ont émergé. La bienveillance, décrite comme la volonté de préserver et d’améliorer le bien-être des gens avec lesquels on a des contacts personnels fréquents, et qui réfère au fait d’avoir des comportements responsables (ex : aider un collègue en retard). Et l’universalisme, qui est orienté vers la compréhension, l’appréciation, la tolérance et la protection du bien-être de tous les gens et de la nature. Davantage tournée vers les humains en général, cette valeur est liée à la justice sociale.
A l’embauche
Pour en parler dès l’embauche avec un candidat, on peut s’inspirer de listes, mais il est important de partir de soi pour pouvoir identifier clairement ses valeurs les plus importantes sur le plan personnel et professionnel. On peut ainsi valoriser la ponctualité ou plutôt la flexibilité, la transparence, le respect de la hiérarchie, la discrétion, la créativité… L’important est de pouvoir identifier les principales valeurs qui vont créer des attentes spécifiques au travail dans le comportement de l’employé, et que cela soit concret : on est flexible, cela implique que l’employé peut choisir son heure d’arrivée.
De son côté, le candidat doit aussi être invité à s’exprimer sur ses principales valeurs, car en cas de conflit de valeurs avec l’entreprise, le travail risque de perdre du « sens », entraînant des problèmes d’engagement, de démotivation, voire de cynisme. Pour l’y aider, on peut proposer des scénarios : Que choisir entre un rythme en dents de scie et la régularité ? Un environnement avec pression ou détendu ? Son rapport à l’environnement et à l’écologie ? Liberté individuelle ou famille ? Accomplissement ou stabilité ? Sécurité ou risque ? Épicurisme, sport ou arts ?
Une liste des valeurs
On manque de mots ou d’idées ? Voici la liste des valeurs au travail répertoriées dans le fameux questionnaire de Super (1968) : altruisme, esthétique, créativité, stimulation intellectuelle, réalisation (satisfaction du travail bien fait), autonomie, prestige, management (leadership), apport financier, sécurité, environnement (condition au travail), relations employé-patron, relation avec les associés (collègues), mode de vie et diversité (tâches variées). On peut proposer de graduer de 1 à 5 les valeurs les plus importantes puis d’en discuter en affinant les questions en regard de nos demandes. Pour conclure, ne jamais oublier que les problèmes résident souvent davantage dans le manque de communication de ces valeurs que du conflit entre des valeurs différentes. Après tout, cela peut être un enrichissement unique de ne pas être tous identiques… et d’en discuter !
– Schwartz, S. H. (1994). Are there universal aspects in the structure and contents of human values? Journal of Social Issues, 50, 4, 19-45.
– Super, D.E. (1968). The Work Values, Inventory.
Nadine Murard, Ph.D., est consultante en gestion du personnel, formatrice et chercheuse en intelligence émotionnelle ainsi que conférencière et chargée de cours à l’UQÀM.
nadinemurard@hotmail.com