Dans la peau d’un Y en 2009

Dans la peau d'un Y en 2009

Imaginez-vous dans la peau d’un Y. Vous êtes né fin des années 1970 début 1980, vos parents se sont séparés lorsque vous aviez dix ans et vous avez vécu en alternance une semaine chez votre père, la semaine suivante chez votre mère. Le changement, vous vous y connaissez, la stabilité n’est pas votre truc et vous avez forgé dans ces expériences de vie vos propres définitions de la loyauté et de la fidélité. Seule constance : le changement.

Dès votre plus jeune âge, vous pratiquiez deux sports, étiez inscrit à des cours de théâtre, de danse et la fin de semaine vous la passiez entre les cours de soccer, de hockey, sans oublier les heures passées à jouer aux jeux vidéo et les réunions de famille désormais reconstituée de demi-frères et sœurs. Vous êtes multitâche, ouvert sur le monde et les autres cultures, conscient socialement et responsable écologiquement. Vous voulez apprendre à la vitesse de votre connexion Web dans une liberté totale supportée par la technologie Wi-Fi. Pas besoin d’être donc attaché à un poste de travail, vous pouvez vous développer n’importe quand et n’importe où.

Vous traînez ces valeurs dans votre bagage avec vous à l’université et chez votre premier employeur, qui venait déjà vous courtiser au secondaire pour vous parler des nombreuses carrières possibles offertes dans des secteurs en futures pénuries de main d’œuvre – provoquées par le départ massif des baby-boomers prévu dès 2009-2010. Déjà, à la fin de vos études, ces mêmes employeurs potentiels vous offraient iPod, BlackBerry et autres gadgets high tech pour vous inviter à vous joindre à leurs équipes. C’est le plein emploi : taux de chômage nul ou presque, il y a plus d’offres que de demandes et les chasseurs de têtes vous courent déjà après ! Un seul hic… Vous vous êtes réveillé ce matin avec un méchant de bloc.

Depuis la fin 2008, le monde a changé… encore une fois ! Vous qui croyiez que le monde avait changé en 2001 et que vous étiez sur la voie royale de l’abondance professionnelle, que toutes les portes s’ouvraient sur des salaires mirobolants incluant un équilibre travail-famille garanti, la table de billard au bureau, les séances massages hebdomadaires offertes par le patron et les cinq semaines de congés payés… Il semble que le réveil soit pénible. D’autant plus que les baby-boomers ont décidé que le travail c’est la santé, surtout celle de leurs fonds de pension réduits de moitié. En clair, si la bourse a reculé de dix ans et le portefeuille de vos parents a perdu ses dix meilleures années, vous venez de faire le même recul côté carrière…. Le plus frustrant dans ça, c’est que votre patron immédiat, un X généralement (entre 35 et 45 ans), vous attend au tournant. Il prend même, dans certains cas, un plaisir sournois à vous faire remarquer qu’il compatit (ce que vous ne croyez absolument pas, surtout quand il rajoute « qu’il en a bavé bien avant vous dans les années 1990 alors que n’étiez qu’encore en culotte courte »). Lui qui a cumulé deux ou trois Bac, une maîtrise et qui a changé moultes fois de jobs avant de se satisfaire d’un job correct moyennement bien payé, lui, connaît ce que c’est que la valeur du travail, l’effort, la persévérance, etc. etc. Son petit sourire en coin vous agace et vous vous dites que lorsque la récession sera derrière vous (bientôt bientôt), vous lui flanquerez votre démission et irez travailler ailleurs pour 30 % de salaire de plus. En attendant, vous êtes pris avec des enjeux financiers importants, et les remboursements mensuels pèsent lourd sur votre budget, étant dépourvu subtilement des primes et bonus promis. On change d’auto pour le vélo (c’est vrai que vous êtes plutôt écolo), on vend le condo si possible, on annule les vacances à Cuba et, pour certains même, on réaménage chez papa ou maman…

La génération des Y, qui a fait couler tant d’encre avec son fameux choc générationnel, son image de bébé gâté et qui a suscité tant de jalousie par les autres générations moins choyées par le contexte social, démographique et économique, fait désormais les frais de la crise.

Alors, si vous êtes un « Monsieur X » ou une « Madame Boomer », s’il vous plait, un peu d’indulgence et de compassion…. Après tout, ces jeunes Y sont devenus ce qu’ils sont que parce que vous les avez éduqués de cette façon et que notre société et nos entreprises se sont engouffrées dans la manne de ces jeunes aux tendances hyper consommatrices. Les programmes de RH taillés sur mesure pour eux, les efforts pour les attirer et les retenir ne devraient pas souffrir de vos sarcasmes à leur égard… Si, vous savez bien, les petites phrases du genre « Bienvenue dans la nouvelle réalité, estime-toi heureux d’avoir une job et oublie la machine à expresso, la connexion MSN et le télétravail, ok ? ». Résistez à la tentation de leur faire payer, soyez cohérent et ne prenez pas votre air revanchard. Au contraire, partagez avec eux votre vision, vos préoccupations, impliquez-les dans la recherche de solutions et surtout soyez transparent, ne les prenez pas pour des enfants et ne les traitez pas en adolescents irresponsables.

Pourquoi ? Parce que lorsque la crise sera passée, vous ne voudriez pas vous aussi vous réveiller avec un méchant mal de bloc….

Nathalie Francisci, Adma, CRHA
Vice-présidente exécutive
chez Mandrake Groupe Conseil

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