Dans l’antre du savoir !

Dans l’antre du savoir !

Je viens de passer deux semaines enfermée dans une salle de classe. Mais pas n’importe laquelle… L’Université Harvard est reconnue pour avoir les meilleurs! Pour un peu, on se croirait à Poudlard; d’ailleurs, l’auteure de la série Harry Potter, J. K. Rowling, y a même prononcé un magnifique discours de graduation (à visionner impérativement sur Youtube http://www.youtube.com/watch?v=nkREt4ZB-ck).

Amis recruteurs, imaginez-vous « tremper » 24/24 ou presque avec les meilleurs talents envoyés par leur entreprise de partout dans le monde pour développer leurs compétences de leader. Des individus brillants, des hauts performants, des experts reconnus dans leur pays. Très stimulant et énergisant. Et devinez quoi, trois chasseurs de têtes faisaient partie de l’aventure. Ils sont repartis avec toutes les cartes d’affaires, profils et leurs évaluations de tous les participants en main. Parions que dans leurs prochaines « short lists », il y aura quelques-uns de ces ex-collègues!

Mais revenons au pourquoi de cette formidable expérience… Au-delà de la richesse de l’enseignement, de la qualité des professeurs et des intervenants, de la diversité des participants au programme de cette prestigieuse université, j’ai pu voir les masques tomber un à un.

Tous ces leaders, patrons de grandes organisations, se sont laissés mettre à nu et découvrir au fur et à mesure que le programme avançait. Ils réalisaient qui ils étaient – avec leurs défauts, leurs erreurs – mais aussi et surtout qu’ils n’étaient pas seuls. Que d’autres pouvaient partager les mêmes « patterns ». Pensez-vous sincèrement que vos leaders ultra-performants font l’exercice de se regarder dans le miroir souvent? Puis, pendant une semaine avec d’autres personnes qu’ils ne connaissent pas du tout, ils creusent, analysent, comparent en profondeur leur style de direction et de gestion pour s’améliorer et s’inspirer des meilleures pratiques. Ils réfléchissent à ce qui les guide et ce qui les amène à bâtir leurs stratégies, créer de l’alignement et diriger leurs équipes. Toute la beauté et l’intérêt du programme est d’ailleurs dans les échanges du groupe.

Je me souviens de cet intense moment lors d’une étude de cas… On y décrivait le style de gestion très directif, autocratique du protagoniste qui faisait face à un taux de roulement effrayant parce qu’il faisait fuir toutes ses équipes malgré une intelligence supérieure et un plan d’affaires excellent. Il avait tout pour réussir… sauf le style de gestion… Bref, intense moment parce que, lorsque le professeur a demandé à la salle : « Reconnaissez-vous cette personne dans vos équipes ou avez-vous déjà rencontré ce style de patron? », un participant a répondu : « Oui, je connais bien ce gars, c’était moi il y a 5 ans… avant que ma femme me quitte et que mon patron m’exile dans une autre division. » Silence dans la salle. Les regards se tournent vers ce « coming out » si spontané. Puis, tous baissent les yeux et pensent à leur propre cas… Intéressant de voir comment ce participant, la jeune quarantaine, vif, intelligent, visionnaire sur le plan des affaires admettait qu’il était vide à l’intérieur… Tellement vidé et absorbé par ses défis professionnels qu’il en avait oublié l’individu en lui. Lorsque sa femme l’a quitté et son patron lui a fait savoir qu’il fallait qu’il améliore son style de gestion, il a eu un électrochoc. Depuis, il s’est grandement amélioré, il n’est pas devenu un gestionnaire extraordinaire, mais il est devenu une meilleure personne capable de gérer des équipes de travail et de susciter l’adhésion de son groupe. Il lui a fallu du temps, de l’aide et un patron qui a suffisamment cru en lui pour le guider. Sa femme n’est pas revenue, mais il sait maintenant combien vaut une relation entre deux personnes. Vous allez me dire : « Avait-il besoin de traverser la planète au complet pour le réaliser? » Certes non. Par contre, il a réalisé qu’il n’était pas seul. Il a aussi déclenché une réflexion chez d’autres. Le principe des vases communicants…

Il semble donc que les grandes universités cherchent à former de meilleurs leaders au-delà des théories, concepts, analyses, etc. (et je peux vous garantir que nous avons étudié les formules, les calculs et les différents modèles de prévisions économiques sous toutes les coutures…). Mais ce qui m’aura le plus marqué ce sont ces hommes et ces femmes (notons ici que nous étions en grande minorité mais il parait que ça s’améliore…) qui sont venus chercher des modèles et se mettre à jour sur les meilleures pratiques et sont repartis avec des réponses sur eux-mêmes et une vision de leur vie sur les dix prochaines années. Certes, ils ne seront pas de meilleurs gestionnaires instantanément mais ils auront été conscientisés et mis face à eux-mêmes. Ceux qui étaient venus juste pour l’antre du savoir sont donc repartis avec l’antre de leur être… à apprivoiser. Il semble donc que devenir un meilleur leader exige que l’on s’attarde à soi-même avant d’appliquer la science.

Nathalie Francisci, CRHA
Chroniqueuse, Conférencière, Administrateur de sociétés

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