L’horloge corporative
Ce matin, en ouvrant la porte de votre bureau vous avez réalisé qu’il y a dix ans (déjà !) vous la passiez pour la première fois. Vous venez de prendre un coup de vieux, comme si tout à coup une voix intérieure vous susurrait : « Au secours je fais partie des meubles ! ».Pourtant, vous n’êtes pas genre à « vous laisser porter », vous avez toujours été au devant des projets, actif et motivé. Vous avez développé une connaissance unique de votre marché et de votre domaine d’expertise. Vous avez obtenu plusieurs promotions, changé de patrons à plusieurs reprises, passé au travers des réorganisations, fusions et vous avez développé une connaissance particulière de la politique interne propre à votre entreprise (vous savez celle qui sert à faire avancer vos idées…). Vous êtes une espèce de « mémoire corporative » ou … un « dinosaure » selon les jeunes recrues.
Malgré tout, vous ressentez une drôle de sensation… De moins en moins de surprises ou d’excitation face aux nouveaux projets. Parfois blasé devant de nouvelles idées, vous avez tendance à reprendre les recettes qui ont déjà fait leurs preuves. Vous connaissez si bien votre entreprise que tout devient prévisible. Vous avez fait le tour du jardin (même si vous refusez de l’admettre) et la routine et l’ennui vous guettent. Même si vous avez toujours cherché à donner le meilleur de vous-même, malgré cela vous n’avez pas obtenu le poste que vous convoitiez depuis si longtemps car le poste a finalement été comblé à l’externe.
Alors, avant que la frustration ne s’installe, que vous ayez 35, 40, 45 ans, pour votre dixième anniversaire : Prenez la poudre d’escampette ! Le pire, c’est que même votre patron s’y attend. Il n’ose pas toujours vous le dire mais il est surpris que vous soyez encore ici. La relation que l’on entretient avec son entreprise au bout d’un certain temps s’essouffle et finit pas s’étioler et ce, malgré les réussites et les promotions. En plus, la loyauté envers l’entreprise n’est plus à la mode. La fidélité aujourd’hui est perçue comme un manque de capacité à s’adapter, de prendre des risques, et amène le futur employeur à se questionner sur votre faculté à vous prendre en mains et sur votre ambition (et oui il en faut aussi !). Les valeurs ont fondamentalement changé, il va falloir vous y faire. . Ce n’est qu’un changement radical qui vous amènera un pas plus loin (avec toute la peur et l’inconfort qui vient avec).
Imaginez il y a pas si longtemps, plus vous étiez fidèles plus vous progressiez et les promotions ne se comptaient pas à coup de réalisations et de succès mais d’années de présence… Les temps changent…
Notez bien que personne ne vous oblige à quitter demain matin votre cher employeur si vous y êtes heureux… Par contre, il est votre responsabilité de prendre conscience du risque que vous prenez et de commencer une réflexion de carrière en profondeur pour mieux vous préparer à ce qui va suivre… Et si un jour, il vous prend l’irrésistible envie d’aller voir si l’herbe du voisin est plus verte, dites-vous bien que votre patron se demande déjà si un nouvel élément n’apporterait pas un peu de sang neuf dans l’équipe, alors autant prendre les devants ! L’important est d’être prêt et d’éviter l’amertume des lendemains qui déchantent car dites-vous bien que perdre son emploi après 10 ans de bons et loyaux services n’est pas une sinécure. Il vous faudra plus d’efforts et de force de persuasion pour convaincre votre futur employeur de votre réelle capacité à vous réadapter à une nouvelle culture.
– Règle numéro 1 : Votre dixième année compte douze mois. Rien ne vous pousse à démissionner en catastrophe le lendemain de votre « fête corporative». Servez-vous de cette année comme une étape charnière, une transition. Donnez-vous des objectifs précis et réalistes et mettez à jour votre cv.
– Règle numéro 2 : Faites votre bilan professionnel. Dressez la liste de vos réalisations et identifiez vos contributions directes au succès des projets auxquels vous avez participé. Procédez à un état des lieux de votre réseau de contacts externe et utilisez-le !
– Règle numéro 3 : La « crise de la dizaine » arrive parfois simultanément avec une crise de vie, que ce soit celle de la trentaine, de la quarantaine ou plus. Éviter de vous remettre en question au bureau et à la maison en même temps. Le risque est grand de mélanger les problèmes et leurs solutions.
– Règle numéro 4 : Plus vous attendrez, plus le changement sera difficile. Il est plus facile de changer à 35 ou 40 ans après dix ans au sein de la même organisation qu’à 45 ou 50 ans. Alors un conseil, n’attendez pas qu’il soit trop tard…