Entrevue Christine Simard

Christine Simard possède plus d’une vingtaine d’années d’expérience. Tour à tour gestionnaire d’entreprises, formatrice et consultante, elle peut se targuer d’avoir implanté de nombreux services tant au Canada qu’à l’étranger.

Tout comme la génération des babyboomers avant elle, la génération Y (formée de jeunes aujourd’hui âgés de 8 à 25 ans) laissera son empreinte dans l’histoire; un peu moins importante cependant que celle de leurs grands-parents mais suffisante cependant pour avoir un gros impact sur la société. Bien plus que la génération précédente (la génération X), la génération Y saura s’imposer.

Comment, selon vous, faut-il s’y prendre pour recruter un jeune de la génération Y?

Les jeunes de la génération Y aiment évoluer en équipe. Ils apprécient le travail de groupe davantage encore que les babyboomers qui s’arrangeaient simplement pour bien s’entendre avec leurs collègues. Les Y, eux, accordent énormément d’importance à leur cercle d’amis, à leur «réseau». Le meilleur moyen de recruter un Y, c’est donc de demander aux jeunes qui travaillent dans l’entreprise de référer leurs amis et leur entourage. Le réseau d’un Y est beaucoup plus étendu que l’on ne pense, il ne connaît pas de frontière parce qu’il est informatique. Un Y peut référer quelqu’un avec qui il chatte depuis 10 ans originaire de Québec ou de Gaspésie.

Une autre façon d’engager un Y c’est de l’attirer avec un travail stimulant. Les jeunes de cette génération ont toujours été stimulés par le biais d’Internet, des jeux vidéos et des activités de groupe à l’école. Ils veulent qu’il en soit ainsi dans leur travail. Il faut donc leur proposer un emploi varié. Mais il ne faut pas leur mentir pour autant. Car ce sont des jeunes qui font partie de familles reconstituées pour au moins la moitié d’entre eux et qui sentent instinctivement quand une personne ne leur dit pas la vérité. Quand un poste n’offre pas de variété, il faut avertir les jeunes pour qu’ils ne se démotivent pas à la longue.

Comment une entreprise doit-elle procéder pour conserver un jeune de la génération Y?

Les jeunes de la génération Y n’accordent aucune importance à la sécurité de l’emploi. Par contre, la rémunération est un critère qu’ils prennent en considération. Et une des raisons pour lesquelles un Y démissionnera de son poste, c’est parce que l’entreprise ne lui propose pas un salaire suffisamment élevé par rapport à ce qu’il pourra trouver sur le marché.

Les Y ne sont pas fidèles à l’entreprise. Ils accepteront un emploi pour acquérir de l’expérience et n’hésiteront pas à partir dès qu’on leur offrira un emploi plus intéressant et mieux rémunéré ailleurs. Certains changent de postes tous les deux ou trois mois! Contrairement aux X qui craignaient de ne pas retrouver de travail, les Y sont prêts à changer d’emploi, car ils sont très sollicités. Il y a beaucoup plus d’offres que de demandes. Mais si les Y ne sont pas fidèles à l’entreprise, ils le sont au groupe. Donc si l’entreprise engage des gens de leur «réseau» et forme un groupe homogène de Y, ils resteront fidèles à leurs amis.

Une compagnie doit tenir ses jeunes employés au fait des possibilités d’emploi dans les autres départements et les laisser évoluer d’un service à un autre. Car un des problèmes de rétention des Y, c’est qu’ils ne sont pas suffisamment informés des opportunités d’emploi au sein d’une société.

Les entreprises devront donc faire preuve de créativité et s’adapter pour satisfaire leurs jeunes salariés.

Faut-il adapter l'entrevue de sélection à cette nouvelle génération? Comment ? Quelles sont les questions à poser à un Y? Si je comprends bien, la question «Où vous voyez-vous dans cinq ans?» est à proscrire?

Il ne faut pas tant adapter les questions à poser en entrevue que les critères d’évaluation. Les questions techniques demeureront toujours les mêmes. En entretien, les jeunes Y seront très francs avec le recruteur et à la question «Où vous voyez-vous dans cinq ans?», ils répondront que d’ici là, ils ne travailleront plus pour l’entreprise car ils auront créé la leur! L’entreprise ne les engagera pas parce qu’elle demande qu’on lui jure fidélité. Dans les critères d’évaluation, il faut arrêter de demander aux candidats une fidélité de plusieurs années à la compagnie, mais se limiter à une fidélité de deux ou trois ans maximum.

Comment faut-il interpréter les réponses d’un candidat Y ? Comment l’évaluer?

Si un babyboomer évalue les réponses d’un Y par rapport à ses valeurs et celles de sa génération, il est certain que la plupart des jeunes candidats seront recalés parce qu’ils ne partagent pas les mêmes. Il faut comparer les réponses du Y par rapport aux valeurs des jeunes de sa génération, qui sont l’esprit d’équipe, la famille, l’argent, le plaisir, la variété et la stimulation. Il ne faut comparer un Y ni à un babyboomer, ni à un X. Il faut instaurer dans l’entreprise des systèmes de motivation et de rémunération qui plaisent aux Y, mais aussi aux X, parce les X et les Y n’aiment pas nécessairement les mêmes choses que les babyboomers. Il faut changer les valeurs de l’entreprise pour s’adapter à celles de la génération Y sinon cette dernière ne se sentira pas à sa place.

Faut-il un recruteur Y pour recruter des Y ?

C’est suggéré partout dans la littérature. Il faut faire réviser la présentation de l’entreprise et la grille de sélection par un Y. Il est également conseillé qu’un Y assiste à l’entrevue pour donner une image positive de la compagnie. Mais il faut absolument qu’il y ait une personne de leur groupe d’âge qui intervienne à un moment ou à un autre dans le processus de recrutement.

Y a-t-il plusieurs types de personnes Y ou forment-ils un tout homogène?

Il ne faut surtout pas généraliser. Il y a des Y qui ressemblent plus à des X ou le contraire. Plus l’on s’approche de la barre des 25-28 ans, moins la distinction entre X et Y est marquée. Cela dépend autant des valeurs personnelles que des valeurs du groupe, de la société, du pays d’origine. Un exemple, un jeune de 27 ans qui arrive d’Afrique ressemblera davantage à un vétéran!

Les Y s’entendent-ils avec les autres générations de travailleurs? Comment l’entreprise doit-elle faire pour instaurer un climat harmonieux et une cohabitation sereine en son sein?

Si les Y travaillent avec d’autres générations que la leur, il faut que l’entreprise s’arrange pour former un esprit de groupe. Si les babyboomers, qui sont des workaholic, laissent tomber leurs préjugés (à savoir que les jeunes devraient travailler davantage), ils s’entendront bien avec les Y parce que les babyboomers possèdent aussi l’esprit d’équipe. Le problème se pose avec la génération X. Les jeunes de la génération X sont extrêmement indépendants et plutôt individualistes. En général, ils n’aiment pas trop travailler en équipe. D’ailleurs les deux plus mauvaises cohabitations au sein d’une compagnie sont entre les X et les babyboomers parce que leurs valeurs sont très différentes et entre les X et les Y.

Que pensent les Y des générations précédentes?

Des vétérans, les jeunes Y disent qu’ils sont fiables, braves et font de bons dirigeants. Même si les babyboomers pensaient que leurs parents étaient des tyrans, les Y s’entendent bien avec leurs grands-parents parce qu’ils partagent les mêmes valeurs. Les Y ont connu la guerre en Irak, les vétérans, eux, les guerres mondiales. Cela a engendré le partage de valeurs communes comme le leadership

Les Y pensent que les babyboomers travaillent beaucoup trop et que les X sont trop déprimés. Contrairement aux X qui ont connu la guerre froide et la menace d’une guerre nucléaire, les Y ont été épargnés par ce climat de peur et font preuve de plus de confiance en eux.

Les Y se perçoivent de façon positive, ils se décrivent comme étant heureux, responsables, optimistes, contrairement aux adultes qui les pensent paresseux, violents et peu fiables.

Quel genre de travail affectionnent particulièrement les Y ?

Les Y raffolent de tous les emplois qui touchent de près ou de loin à la technologie. Et si la technologie n’existe pas dans l’entreprise, il faut engager des Y pour l’implanter. Ce sont les meilleurs dans ce domaine sur le marché actuellement!

Les Y sont également faits pour des postes qui font appel à la créativité, comme le marketing et qui font appel à la communication, car les Y sont habitués à communiquer.

Par contre, à long terme, se posera le problème de la main d’œuvre dans les hôpitaux et les organismes de la fonction publique car les employés ont des horaires précises à respecter. Il faudra changer les conditions de travail en milieu hospitalier et dans d’autres secteurs de la fonction publique car les Y ne sont pas intéressés à travailler dans de grosses structures gouvernementales. Il y aura d’ailleurs beaucoup plus de petits entrepreneurs qu’aujourd’hui.

Une phrase résume parfaitement les Y : les Y combinent l’éthique du travail d’équipe des babyboomers avec l’attitude «peut faire» des vétérans et le savoir-faire technologique des X.

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