Geneviève Fortier, vice-présidente des ressources humaines chez Reitmans et présidente de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) Geneviève Fortier ne croit pas à la chance. À 17 ans, elle savait déjà ce qu’elle ferait de sa vie. Elle avait planifié sa carrière professionnelle jusqu’à l’âge de 30 ans. Et elle s’est donné les moyens de ses ambitions, par le travail, la discipline et la réflexion. Elle nous livre ici la clé de sa réussite. Quel(s) conseil(s) prodigueriez-vous à un jeune étudiant en quête d’une carrière professionnelle ? Le premier conseil que je lui donnerais est de bien se documenter sur les programmes offerts par les écoles et sur les perspectives d’emploi dans les années à venir. Le niveau d’études visé (collégial ou universitaire) et la durée d’un programme (deux ans pour un diplôme collégial et trois ou quatre ans pour un diplôme universitaire), combinés aux perspectives d’embauche, peuvent aider une personne à s’orienter. Il est également très important de choisir un métier en fonction de ses intérêts. On passe la majeure partie de sa vie à travailler, il est donc primordial d’aimer ce que l’on fait. À quoi attribuez-vous l’engouement des jeunes à l’égard des fonctions dans les RH? La profession RH a aujourd’hui beaucoup plus de poids au sein des entreprises qu’elle n’avait il y a cinq ans. Aujourd’hui, sa mission ne se limite plus uniquement au recrutement mais comprend également l’aide à l’équipe de gestion. De plus, les perspectives d’emploi sont excellentes dans le domaine des RH. Ce qui contribue à le rendre populaire auprès des jeunes diplômés. Quel est le parcours de carrière standard en RH ? Les diplômés qui entrent sur le marché du travail une fois leur baccalauréat en poche n’ont aucune difficulté à trouver du travail. Néanmoins, de plus en plus de gens choisissent de se spécialiser en obtenant un diplôme de deuxième cycle. Cela leur permet de progresser plus rapidement au sein d’une entreprise car ils ont des connaissances plus stratégiques. Quelle carrière type en RH doit-on conseiller à un jeune ? Le profil de généraliste offre un plus large éventail de possibilités que celui de spécialiste, en recrutement ou en formation par exemple. Décrivez-nous votre parcours ? J’ai un baccalauréat et une maîtrise en relations industrielles. Parallèlement à mes études, je travaillais dans une entreprise, à raison de deux à trois jours par semaine. Après l’obtention de mon diplôme en 1991, je n’ai pas eu besoin de chercher du travail. On m’a offert un poste en gestion au Centre hospitalier de la Baie-des-Chaleurs. En 1993, j’ai décroché un poste de DRH chez Marchands unis inc. et quatre ans plus tard, j’entrais chez Biochem Vaccins, une filiale de la compagnie pharmaceutique Biochem pharma, comme vice- présidente des RH. En 1999, j’étais DRH chez Biochem pharma. En 2001, j’ai occupé le poste de DRH pour une autre compagnie pharmaceutique, Merck-Frost, et depuis juin 2003, je suis vice-présidente chez Reitmans, une entreprise qui compte quelque 11 000 employés. Depuis quatre ans, je préside également l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), qui regroupe 7 000 membres. Mon mandat se termine en mai prochain et à compter d’octobre, j’assurerai la présidence du Conseil canadien des associations en Ressources Humaines (29 000 membres). Pourquoi existe-t-il deux titres : celui de CRIA (conseiller en relations industrielles agréé) et celui de CRHA (conseiller en ressources humaines agréé)? Y a-t-il des différences? Le fait d’avoir deux titres est historique. L’Ordre des CRIA est issu de la fusion en 1997 entre l’Ordre des conseillers en relations industrielles et l’Association des professionnels en RH. Avant la fusion, l’ordre avait un titre réservé mais pas l’association puisque ce n’était qu’un regroupement de professionnels. Avec la fusion, la question du titre s’est posé. Certaines personnes généralistes en gestion RH ne se retrouvaient avec le titre de CRIA et souhaitaient obtenir celui de CRHA. Ce qui fait qu’aujourd’hui, on a les deux. Le titre CRIA regroupe les gens qui travaillent principalement dans les relations de travail, les avocats en droit du travail et ceux qui s’occupent de santé-sécurité. Qu’est-ce qui vous a amené à débuter une carrière en RH ? Pourquoi ? J’ai suivi un cours de psychologie en relations humaines au CEGEP. J’avais 17 ans. Ce cours a été déterminant dans ma carrière. On devait réfléchir sur nos objectifs professionnels pour les dix prochaines années. Je me souviens avoir écrit que je décrocherais un baccalauréat et une maîtrise en relations industrielles, ainsi qu’un poste de DRH avant 30 ans. Mes objectifs étaient extrêmement clairs. Par la suite, je me suis contentée d’appliquer mon plan d’action. Et si c’était à refaire ? Je suivrais exactement le même cheminement. Je trouve que la profession RH est l’une des plus belles fonctions dans une organisation. Peu de métiers permettent d’influencer le cours du développement d’une entreprise et de contribuer à ses résultats. Vous venez de changer récemment d’emploi. Vous faites partie de la relève au Québec. En quoi ce parcours était-il réfléchi et conscient? N’y a-t-il pas une part de chance et de hasard ? Je ne crois pas à la chance. Je crois plutôt à la volonté d’un individu d’agir sur son parcours professionnel. Je crois au travail, à la discipline et au timing. Selon moi, il est très important de planifier sa carrière, il faut savoir saisir les opportunités qui se présentent à vous et avoir un important réseau de contacts. Il faut aussi savoir se remettre en question et se réajuster au besoin. Que désiriez-vous faire étant petite ? (à l’âge de 5-7 ans.) Dès l’âge de quatre ans, j’allais passer tous les samedis matins au bureau de mon père, vice-président d’une grande entreprise. Il m’a toujours dit que je lui étais d’une aide précieuse. Ce qui n’était évidemment pas le cas! Mais je me souviens très bien de la satisfaction que je ressentais lorsqu’il me complimentait. C’est d’ailleurs à cet âge- là que j’ai su que je travaillerais un jour dans une entreprise… Je songe d’ailleurs à emmener mes enfants au bureau pour leur donner envie de travailler. En parlant de vos enfants, comment vivez-vous le défi de la conciliation travail-famille en qualité de femme, mère et cadre ? J’ai trois enfants, deux garçons et une fille. Nous avons toujours eu une babysitter à la maison car mon mari et moi ne souhaitions pas placer nos enfants en garderie. Et depuis deux ans, mon conjoint a choisi de rester à la maison avec les enfants. Ce qui nous permet de leur offrir une qualité de vie exceptionnelle. Mais je sais que je suis privilégiée. Quelles sont les réalisations marquantes de la profession RH au cours des dix dernières années ? La première réalisation significative de la fonction RH c’est d’avoir réussi à prendre une place de partenaire stratégique au sein des équipes de direction dans plusieurs entreprises. Mais cette situation est loin de prévaloir dans toutes les compagnies. La profession RH a réussi à élargir son champ d’intervention : en plus du recrutement et de la paye, elle s’occupe également de la planification de la relève et du développement de la main d’œuvre. Actuellement, à quoi sont confrontés les professionnels RH? Quels défis doivent-ils relever? Avec la transformation des RH, les professionnels doivent savoir s’adapter à leur nouveau rôle plus stratégique au sein de l’entreprise et faire passer le message à l’équipe de gestion. En quoi le DRH de 2004 est-il différent du Directeur du personnel de 1970 ? On fait beaucoup plus souvent appel au DRH de 2004 pour ses compétences de coach, d’aide à la gestion, que pour ses compétences transactionnelles. En quoi l’évolution des nouvelles technologies a-t-elle eu un impact sur la fonction RH? L’avénement des logiciels, comme PeopleSoft qui permet de gérer les dossiers des employés, a permis d’automatiser un nombre incalculable de transactions qui, par le passé, se faisaient à la main et généraient des tonnes de papier. Les transactions se font maintenant en ligne. L’évolution des nouvelles technologies a grandement contribué à l’évolution de la profession RH. Comment réagissez-vous au résultat de l’étude Mercer qui dit que seuls 11% des CFO considèrent les RH comme très compétentes en tant que partenaires stratégiques ?(étude Mercer : Utiliser le pouvoir des RH pour créer de la valeur : Étude de la transformation des RH dans les entreprises canadienneshttp://www.mercerhr.com/pressrelease/details.jhtml/dynamic/idContent/1116115) L’étude est difficile à commenter mais de façon générale, la contribution des RH dans une entreprise ne s’est jamais mesurée en termes de chiffres. Mais je crois que ce pourcentage ira en augmentant parce que la profession RH prend le pari de proposer des initiatives et de chiffrer le retour sur investissement. Pour parler le même langage que les financiers et obtenir leur appui. Quels sont les prochains défis en RH dans les années à venir ? L’un des premiers défis qu’auront à relever les entreprises sera de gérer l’arrivée de la nouvelle génération, qui a un mode de penser radicalement différent de la génération des babyboomers. Cela appelle un mode d’organisation de travail différent. Le deuxième enjeu sera de faire évoluer la fonction RH d’un rôle traditionnel, transactionnel, à un rôle plus stratégique, partenaire d’affaires et de démontrer sa contribution et son utilité au sein des organisations. Le troisième défi sera de savoir attirer les talents dans les entreprises et de les retenir. Quelle est votre position sur la problématique de la relève au Québec? Comment y remédier? La profession RH forme suffisamment de gens pour être en mesure de pallier le départ en retraite de nombreux babyboomers d’ici cinq ans, notamment pour les postes de partenaires d’affaires. Elle ne connaît pas les problèmes de certaines professions, comme celles des infirmières et des médecins, qui font face à une pénurie de main d’œuvre depuis de très nombreuses années déjà. L’enjeu au niveau de la relève dans le secteur des RH est de savoir attirer les générations futures, extrêmement bien documentées et qui savent parfaitement ce qu’elles veulent et ce qu’elles ne veulent pas.