Entrevue :
Martial Lalancette, Vice-Président Principal Ressources Humaines – L'Oréal Canada
1- L'Oréal communique beaucoup plus depuis environ 6 mois. Pourquoi ? Quelle est votre stratégie ? Nous avons en effet renforcé nos équipes de communication corporative dont la mission majeure est de nous aider à faire connaître L’Oréal Canada en tant qu’employeur. Dans la même idée, nous avons créé voilà 1 an, un poste pour développer notre présence sur les campus canadiens. Leader dans son secteur mondialement, L’Oréal a toujours fondé sa réussite sur son patrimoine humain qui est son principal atout. Pour cela, deux choses sont fondamentales : la qualité de nos recrutements et le développement professionnel de nos équipes. Ainsi, nous embauchons des jeunes diplômés sans expérience, nous organisons leur intégration pendant plusieurs mois et seulement après, nous les affectons à une responsabilité. En 2001 par exemple, L’Oréal avait embauché 1800 managers sur le plan mondial dont les 2/3 étaient issus de 120 universités éparpillées dans le monde. Le Canada ne fait pas exception, nous sommes très proches de plusieurs grandes universités au Québec et du Canada anglais. 2- Une entreprise aussi mondialement connue et admirée attire-t-elle spontanément les bons candidats au Canada ? Il n’est pas facile d’attirer et de convaincre, en particulier les meilleurs mais les recrues canadiennes sont très prisées et font souvent de belles carrières. Pour preuve, sur les douze derniers mois, plus d’une dizaine de transferts ont eu lieu du Canada vers d’autres filiales du groupe et au siège à Paris. Ce qu’on apprécie : leur bilinguisme, leur esprit d’entrepreneur, leur capacité de conciliation, leur créativité… C’est très encourageant et nous gardons toujours en tête cette obsession de bien recruter et de bien développer nos hommes à l’heure où le baby boom est derrière nous et où nous devons déployer toujours plus d’efforts pour que nos meilleurs éléments ne partent pas ailleurs. 3- Quel est le profil du candidat parfait pour l'Oréal ? Que recherchez-vous comme qualités chez vos cadres ? Nous aimons les gens passionnés, à la mentalité ouverte, qui sont capables d’imaginer et de porter de grands projets avec exigence et créativité. La formule souvent utilisée chez L’Oréal, nous devons être à la fois “Poètes et paysans“. Poètes car nous voulons des hommes et des femmes ayant de l’imagination, de l’ambition et des rêves. Paysans parce qu’ils doivent avoir les pieds sur terre pour faire en sorte que ces rêves se réalisent et ceci, qu’ils soient dans les métiers du marketing, de la finance ou dans nos usines et nos laboratoires de recherche. 4- Anticipez-vous une problématique de la relève chez l'Oréal ? Si oui, avez-vous des solutions et un plan d'action ? Nous avons pour principe de recruter au meilleur niveau des jeunes à fort potentiel et de les faire grandir au sein de l’entreprise en leur confiant très vite des responsabilités importantes, ceci en leur apportant le soutien nécessaire pour relever ces défis (management, formation, évaluations …). C’est grâce à cette politique et à notre vision très internationale du recrutement qui nous amène à faire bouger ces talents dans nos différentes filiales, que nous parvenons plutôt bien à assurer la relève. Chez L’Oréal, cette problématique a toujours été centrale, depuis la création de la Société en France en 1907 par Eugène Schueller, un ingénieur chimiste qui déjà à l’époque traduisait cette obsession en ces mots "Des talents, des talents, des talents". 5- Quel est le taux de rotation de l'organisation ? Ce taux de rotation est très faible, en particulier sur les métiers clés pour L’Oréal comme le marketing où il n’excède pas 5%…et il diminue en général avec la séniorité. C’est une caractéristique de notre groupe : il n’est pas inhabituel d’avoir des personnes qui font toute leur carrière chez L’Oréal. D’ailleurs, on l’illustre en disant : "Chez L’Oréal, c’est pour 3 mois, 3 ans ou 30 ans" 6- Quelle est votre vision du métier des RH chez L'Oréal et de celui de recruteur en particulier? Après plusieurs années dans les ressources humaines pour le Groupe L’Oréal, je suis toujours autant passionné par ce métier que je trouve particulièrement stimulant, de par son rôle stratégique au sein de notre compagnie. Identifier, recruter, développer les talents qui dirigeront demain l’entreprise et en assureront la pérennité est une mission peu banale ; cela relève de l’obsession dont on s’accommode bien volontiers tant elle est noble. Quelles que soient les fonctions RH que j’ai exercées dans l’entreprise (dans notre usine de Ville St Laurent lorsque j’ai intégré la société, puis au niveau de la filiale canadienne, avant de travailler sur le recrutement international à Paris ou à New York pour la filiale américaine), j’y ai toujours retrouvé cette énergie et cette passion pour révéler et développer les talents…et c’est certainement une clé de succès qui peut expliquer que notre entreprise affiche de telles performances depuis de si nombreuses années. 7- Vos stratégies de recrutement sont-elles directement calquées sur les stratégies européennes et par la suite adaptées au marché nord américain ou avez-vous des stratégies complètement différentes ? Notre recrutement mondial s’appuie toujours sur les mêmes principes ; attirer les jeunes talents et les faire grandir au sein de l’entreprise.. Une des clés de cette stratégie est de travailler étroitement avec les universités pour développer un contact tout particulier avec les étudiants. Nous avons également misé sur le Web pour mener à bien notre stratégie de recrutement. En plus de nos partenariats avec les sites majeurs de recrutement, nous avons imaginé une compétition tout à fait unique, le "L’Oréal e-strat Challenge", qui nous permet de rejoindre les potentielles recrues des meilleures universités à travers le monde.
Il y a 3 ans, nous avons lancé cette compétition internationale en ligne qui permet aujourd’hui de mettre au défit près de 17 000 étudiants à travers le monde en leur donnant l’opportunité de diriger virtuellement une entreprise cosmétique. Cette compétition virtuelle leur permet de mieux appréhender l’univers complexe et très compétitif du marché de la beauté…mais aussi de mettre à l’épreuve leurs talents d’entrepreneur. Cette compétition en ligne qui dure 2 mois nous permet de détecter de futures recrues.
Cette année, le Canada est le troisième pays en terme de participation au challenge avec 54 équipes d’étudiants en lisse, juste derrière la France et les États-Unis. Les vainqueurs du L’Oréal e-strat Challenge seront connus le 22 avril lors d’une cérémonie qui aura lieu à Paris et qui réunira les meilleures équipes des 5 continents… 8- Le site carrière de l'Oréal permet-il une certaine mondialisation du recrutement ? Je crois qu’il est préférable en matière de recrutement de rester proche de la réalité locale. On nous demande de recruter localement les meilleurs et les mouvements internationaux possibles au sein de l’entreprise vont permettre de bonifier ces profils. Le brassage et la diversité de nos équipes sont une force sur laquelle nous capitalisons tous les jours. Au Canada, nous avons près de 20 nationalités différentes représentées. C’est un facteur de créativité indéniable. Leur mobilité internationale, qui est fortement encouragée, nous permet de valoriser la diversité et d’avoir des équipes toujours aptes à se remettre en question… La grand apport de la technologie de l’Internet a été d’accélérer les processus et ainsi, de permettre une meilleure réactivité dans nos recrutements; c’est essentiel dans un marché du recrutement tendu. 9- Comment la gestion des candidatures et des CV est-elle effectuée (centralisée ou régionalisée) ? Nous disposons d’une base de données centralisée pour la gestion de nos candidatures internationales ce qui est un grand atout pour favoriser des recrutements à travers 120 pays où nous sommes présents. Les candidats peuvent s’inscrire sur notre site international ou via l’un de nos 20 sites pays actuellement en ligne. Le site canadien www.loreal.ca a été ouvert il y a 9 mois dans cette optique. 10- Comment les candidats de niveau senior réagissent-ils au site carrière de l'Oréal ? Notre expérience nous montre que contrairement aux idées reçues, Internet est un outil de recrutement qui ne touche pas seulement les plus jeunes. Ouvert et démocratique par essence, le Web nous permet d’entrer en contact de façon très large avec un vaste panel de candidats, sans distinction de pays, de nationalité, d’âge ou de séniorité dans leur métier. Il nous est d’ailleurs arrivé de recevoir via le net des candidatures de grand calibre visant des postes de haute direction. 11- Quelle est votre attitude face aux recruteurs externes ? Qu'attendez-vous de ce type de fournisseurs ? Nous avons plutôt tendance à toujours recruter par nous-mêmes car faire appel à des prestataires extérieurs résonne pour nous comme un aveu d’échec. Cela signifie que notre pépinière de talents a été mal dimensionnée et que nous n’avons pas su anticiper ces recrutements. Il peut nous arriver d’avoir recours à des partenaires extérieurs sur des postes seniors que nous ne pourrions pourvoir en interne, mais cela reste l’exception. 12- Que vouliez-vous faire comme métier lorsque vous étiez enfant ? Pilote d’avion www.loreal.ca