Entrevue Pierre-Marie Lagier

Pierre-Marie Lagier, chargé de cours au Département d'organisation et de ressources humaines, à l'École des sciences de gestion de l'université du Québec à Montréal (UQAM) et consultant.

Comment décrocher son premier emploi, une fois son diplôme en poche ? Comment éviter que la recherche de travail ne se transforme en parcours du combattant? Telles sont les questions que se posent tous les jeunes qui débarquent chaque année sur le marché du travail. Comment décrocher son premier emploi ne s'improvise pas, Pierre-Marie Lagier nous livre ici ses conseils avisés sur la manière de mettre le pied à l'étrier et de faire sa place en RH.

Quel(s) conseil(s) prodigueriez-vous à un jeune diplômé spécialisé en ressources humaines en quête d'un emploi? Par quoi doit-il commencer sa recherche? Doit-il définir son objectif professionnel et se renseigner sur le marché du travail ? Avant toute chose, il est impératif de clarifier ses idées avant d'entreprendre une recherche d'emploi. Il faut définir son objectif professionnel, le type de poste que l'on souhaiterait occuper, dépendemment de sa formation et de ses compétences. Je rappelle toujours à mes étudiants que la gestion des ressources humaines est un domaine à multiples facettes. Dans une grande entreprise, le service RH comprend plusieurs services spécialisés, comme celui la paye, de la rémunération, de la sélection de personnel. Certains professionnels en RH sont spécialisés dans l'un ou l'autre de ces champs, tandis que d'autres les couvrent tous en tant que généralistes polyvalents. Or, souvent, les étudiants ne pensent qu'à un aspect de la GRH en particulier. Il est également important de s'informer de l'état actuel du marché du travail.

Quels sont les moyens mis à la disposition des étudiants dans les établissements scolaires ?
La plupart des universités et des cégeps offrent des services de placement et d'orientation. Le Service aux étudiants propose également des ateliers de recherche d'emploi, qui permettent aux jeunes de voir s'ils sont intéressés par l'aspect généraliste ou spécialisé des RH. Les étudiants peuvent aussi se faire aider par leurs professeurs.

Existe-t-il un type d'employeurs à contacter en premier ? Le jeune diplômé doit-il cibler certaines entreprises en particulier ?
Le stage est un bon moyen de débuter sur le marché du travail. À l'UQAM, il n'est pas obligatoire – contrairement à d'autres universités – mais il est fortement recommandé. Selon moi, un stage s'impose. Quant aux entreprises à cibler, cela dépend de l'orientation que souhaite prendre le jeune diplômé. S'il cherche à se spécialiser, il doit se tourner vers les grandes entreprises et si c'est l'aspect généraliste qui l'intéresse, il doit s'adresser aux PME. Mais je ne crois pas qu'il y ait de cibles privilégiées.

Quel genre d'expérience faut-il aller chercher au sortir de l'école ? La première expérience professionnelle est-elle déterminante pour la suite d'une carrière ?
Mes étudiants à l'UQAM sont dans une situation un peu particulière. Près de 95% d'entre eux ont déjà de l'expérience professionnelle. L'hiver dernier, les seuls étudiants de ma classe à n'avoir jamais travaillé étaient les étudiants français en échange. La première expérience de travail est importante parce qu'elle donne une bonne idée des rapports hiérarchiques qui existent en milieu de travail et de la capacité d'entreprendre du jeune.

Quelle carrière type en RH doit-on conseiller à un jeune ?
En général, en début de parcours, une personne commence comme assistant- conseiller en RH. Elle peut ensuite grimper les échelons et terminer sa carrière comme vice-président d'une grosse entreprise. Mais parfois, pour obtenir des promotions, il faut changer d'emploi.

Le manque d'expérience est-il un problème insurmontable ? Comment faire pour y remédier ?
Chez moi, le manque d'expérience est un sujet constant de réflexion. C'est un handicap majeur au Québec et au Canada; beaucoup plus que ça ne l'est aux Etats-Unis ou en Europe. En France et en Allemagne, il y a les concours qui permettent à des jeunes d'accéder à des postes intéressants. J'ai mon frère qui est devenu chef de service à 23 ans par le biais de concours. Je trouve que les entreprises canadiennes insistent beaucoup trop sur l'expérience professionnelle. Pourquoi une entreprise exige-t-elle un chef du personnel avec cinq ans d'expérience. Pourquoi pas 10 ans? Que cherchent les employeurs lorsqu'ils exigent «de l'expérience»? Car l'expérience, selon moi, ne suffit pas. Je suggère à mes étudiants de trouver un moyen quelconque d'acquérir de l'expérience. Car l'expérience ne s'acquiert pas seulement en milieu de travail. Les recruteurs tiennent compte des emplois d'été, des travaux bénévoles, des stages et des activités extra- scolaires. Mais il n'y a pas que les étudiants canadiens qui doivent acquérir de l'expérience, c'est aussi valable pour les immigrants qui débarquent au Québec. Pour eux, l'expérience canadienne qu'ils n'ont pas représente un handicap.

Quelles peuvent être les prétentions salariales d'un jeune qui débute ?
Elles peuvent être extrêmement variables. Un conseiller en début de carrière gagne généralement entre 30 000 et 35 000 $ par an. Cela dépend principalement de la taille de l'entreprise.

Le réseau de contacts est-il un atout important? Quand et comment l'établir ?
Dès le début de ses études, il est primordial d'établir des contacts car le «réseautage» est important. L'UQAM favorise ce genre de contacts, les étudiants effectuent en effet beaucoup de travaux d'équipe sur les entreprises. Ils sont donc amenés à rencontrer des gens, à demander des cartes d'affaires et à se faire connaître. Dans les PME, le contact personnalisé est très important, car les gens aiment mettre un visage sur un nom. J'invite également mes étudiants à s'impliquer dans les associations, comme celle des diplômés de l'UQAM.

Faut-il effectuer certaines démarches quand on est encore à l'école ?
Même s'ils ne sont pas encore diplômés, je conseille à mes étudiants d'écrire aux entreprises qui apprécient une telle démarche car l'étudiant fait preuve d'initiative et démontre de l'intérêt.

Auriez-vous des conseils particuliers à donner sur le CV et la lettre de présentation? Comment déjouer les pièges lorsqu'un candidat passe un entretien d'embauche? Ce qui est recommandé, c'est de mettre en valeur le savoir-faire que l'on a acquis, quitte à l'illustrer avec des exemples. En matière de sélection des candidats, les entreprises font preuve d'une incompétence incroyable. La plupart des recruteurs utilisent l'entretien. Or, cette méthode est d'une bêtise absolue. Mon expérience de consultant me dit que très peu de candidats ont été formés à la technique de l'entrevue. Il existe de nombreux autres moyens pour sélectionner un candidat, comme les tests de savoir-faire utilisés par les compagnies allemandes ou helvétiques. Pour recruter un conseiller en RH dont la mission est d'engager du personnel, il faudrait plutôt lui demander quelles méthodes il utiliserait pour embaucher des candidats. Après seulement, on pourrait lui faire passer un entretien.

Avez-vous connu des difficultés à entrer sur le marché du travail et à décrocher votre premier emploi ?
Je n'ai pas eu de problème à décrocher mon premier emploi. En réalité, je ne l'avais même pas cherché… L'occasion s'est présentée et je l'ai saisie. J'ai effectué un stage dans une entreprise. Nous étions trois stagiaires. Au cours de ce stage, j'ai remis 23 études à mon patron alors que mes deux collègues n'en ont remis respectivement que trois et huit. Mon patron a apprécié ma productivité et m'a engagé.

Pourriez-vous me décrire brièvement votre parcours?J'ai fait des études en économie et en droit en France. Mon objectif était de passer des concours mais avant, je voulais acquérir de l'«expérience américaine». J'ai fait une demande de bourse et j'ai obtenu celle du Conseil des arts du Canada. Je n'étais venu au Québec que pour quelques mois. J'ai étudié au Département de criminologie à l'Université de Montréal. On m'a ensuite conseillé de faire une maîtrise en criminologie. Ce que j'ai fait. Mon premier travail a été en psychiatrie criminelle. Puis j'ai fini par revenir à l'économie. J'enseigne à l'UQAM et je suis consultant.

À quoi attribuez-vous l'engouement des jeunes à l'égard de la fonction RH ?
À l'UQAM, j'enseigne tous les cours en administration et c'est vrai que les RH attirent beaucoup les jeunes étudiants, à cause de leur aspect généraliste.

Quelle est votre position sur la problématique de la relève au Québec ?
Statistiquement parlant, le Québec aura des problèmes de relève d'ici une dizaine ou une quinzaine d'années, quand la population active diminuera dans la province. La pression pour qu'il y ait plus d'immigration sera alors plus forte. Mais les immigrants ne parviendront pas à inverser la tendance, l'écart est là pour rester. Le problème se posera alors de trouver des gens compétents et le nombre d'années d'expérience professionnelle finira par ne plus avoir autant d'importance qu'auparavant et ce critère de sélection sera amené à disparaître.

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