« True Story: How to Combine Story and Action to Transform Your Business » est le titre d’un livre paru récemment sur le pouvoir de faire ce que l’on raconte. L’auteur, Ty Montague, est l’ancien président d’une des plus grandes agences de publicité aux États-Unis. On assume qu’il maitrise l’art de raconter des histoires et qu’il sait transformer un vilain petit canard en un cygne gracieux ou vendre l’idée que la marque de lessive X lave « plus blanc que blanc »… Rien de neuf, me direz-vous, tout le monde connaît le vieil adage « Vos bottines doivent suivre les babines » ou en anglais « Walk the talk ». Mais voilà que, justement, la société actuelle ne réagit plus aux anciennes façons de procéder. La publicité ne convainc plus et ce n’est pas parce que les compagnies racontent de belles histoires et font parler d’elles que les consommateurs croient en leurs produits ou services. Le consommateur d’aujourd’hui en veut plus et, surtout, il en veut plus pour son argent. Le candidat, votre futur employé, aussi.
Les 4 piliers du pouvoir du « Storydoing »** selon Ty Montague mettent en scène tous les acteurs d’une situation, soit :
– Les participants (clients, employés, partenaires et, je rajouterai,… les candidats)
– Le protagoniste (votre organisation)
– La plateforme: l’environnement de l’organisation
– La quête : la poursuite de l’objectif de votre organisation et son ambition à contribuer à la société
Appliqué au recrutement et à la stratégie de gestion des talents, cet adage présente un grand bénéfice si toutes les parties prenantes sont incluses. En effet, vos employés ne sont plus aussi fidèles et, surtout, ils sont sujets à se faire séduire par d’autres. Vous avez donc tout intérêt à ne pas leur raconter d’histoires et à jouer la carte de la transparence; question de ne pas briser le lien de confiance, ingrédient essentiel d’une gestion des talents performante et de relations de travail harmonieuses. De l’autre côté, vos candidats sont vos prospects. Le concept du « storydoing » prend ici tout son sens, car vous êtes mieux de leur donner l’heure juste et de faire ce que vous leur avez dit en entrevue de sélection… Vient ensuite votre organisation. Quel est son ADN? Comment s’expriment ses valeurs et sa culture? Quel est le plan à court et moyen terme? Quel est le style du CEO et des gestionnaires? À ce chapitre, le rôle des équipes RH est bien celui aussi d’éduquer et de former les gestionnaires à être de meilleurs « storydoers ». Au-delà de leurs objectifs à atteindre et de la pression qu’ils endurent parfois, il faut les ramener à pouvoir exprimer leurs ambitions et leurs projets dans des actions et des gestes concrets pour que leurs équipes comprennent mieux la vision globale de leur chef. Les jeunes générations, en particulier, veulent comprendre pourquoi on leur demande (impose parfois) certains processus, politiques ou règles. Une fois que la vision de la direction leur est clairement expliquée, même lors de temps difficiles ou de récession, ils sont plus enclins à suivre.
Par exemple, cette conversation que j’ai eue récemment avec une gestionnaire d’une organisation en pleine transformation. Je vous épargne le contexte en détail mais, en résumé, il s’agit d’une entreprise qui se réinvente à 100 %, de son produit de base qu’elle fabriquait depuis des décennies à sa stratégie en passant par ses talents. Un peu comme Samsung, épicier qui vendait des nouilles en 1938 et qui, aujourd’hui, règne sur la galaxie des cellulaires… Comme on ne se réinvente pas sans casser des œufs, vous imaginez que la compagnie à laquelle je fais référence doit procéder à une profonde transformation impliquant des changements majeurs, entres autres dans la composition des talents; en clair des mises à pied importantes. Bref, la gestionnaire à qui je parlais était pourtant très positive sur l’avenir, enthousiaste quant au plan d’affaires. Certes, mettre à pied 50 % de son équipe l’affectait, mais elle sentait qu’au-delà du sacrifice, cela permettait de sauver la compagnie et la faire revivre sous une autre forme. Elle ne s’est jamais cachée de ses anciens employés, collègues (et amis pour certains, m’a-t-elle confié), elle a fait face et a expliqué, démontré et soutenu la vision de son CEO et du conseil. Elle a accompagné personnellement de nombreux membres de son équipe dans le processus et elle n’a pas cherché simplement à se déculpabiliser derrière un package de transition de carrière. Un de ses plus beaux commentaires lui viendra d’une ancienne employée qu’elle a dû laisser aller et qui lui a dit avant de quitter : « Je sais que tu fais ça pour le bien de la compagnie. Ça ne fait pas mon affaire, mais au moins j’aurai contribué à une grande aventure. Merci et bonne chance! » Je sais bien que certains auront envie de crier à l’arnaque et au scandale pour mieux satisfaire la valeur de l’action et enrichir les actionnaires mais, en l’écoutant, j’ai senti de l’authenticité et une réelle volonté de faire quelque chose qui compte, même si le prix à payer est dur à encaisser. À trop de cynisme parfois, on oublie qu’il y a aussi des ambitions louables et des patrons qui se soucient autant de leurs employés que de la santé de leur organisation. Cette entreprise n’a rien annoncé dans les journaux, elle n’a pas fait de tapage publicitaire ou chercher à attirer l’attention du public. Elle ne sera certainement pas candidate à un prochain palmarès du meilleur employeur, mais elle se concentre sur son histoire et la réalisation de son plan en impliquant toutes les parties prenantes dans son processus.
Question de timing… Quand la planète se met en mode urgence et de crise financière, il y a ceux qui attendent que le bateau coule et regardent, impuissants, les évènements se succéder et ceux qui se lancent dans la bataille pour survivre et s’adapter à un nouvel environnement ou de nouveaux marchés. Le prix est lourd à payer dans les deux cas, mais on peut saluer le courage et la vision de la deuxième catégorie. Les storydoers en font partie. Ils ne racontent pas juste de belles histoires, ils les expérimentent avec leurs équipes et leurs partenaires et s’y consacrent pleinement.
On reconnaît un bon conteur à sa capacité non seulement à bien raconter, mais à faire vivre une aventure collective. Un stage en compagnie de Fred Pellerin avec ça?
**Pour ceux qui veulent en savoir plus : http://storydoing.com/