Via l’étude « Horizon Travail 2025 » publiée début avril, l’APRH et Deloitte lisent l’avenir économique du Canada. Entre mauvais présages et prospérité espérée, le point sur trois scénarios probables pour le futur, résultats des décisions prises dès aujourd’hui.
En dépit de la crise, le Canada continue en 2012 à afficher les signes de sa bonne santé. Le taux de chômage, de l’ordre de 7,2 % en mars dernier, est encore relativement faible. La croissance est stable : le PIB s’est vu rehaussé d’un demi-point sur le seul mois de janvier. Aussi, le pays attire toujours massivement les immigrants qualifiés, et dispose d’une main d’œuvre diversifiée, apte à soutenir dans l’ensemble la productivité de chaque secteur d’activité.
Pour autant, ces indices rassurants ne doivent pas faire oublier les enjeux à venir. Crise européenne de la dette, émergence de puissances nouvelles, poursuites de conflits armés à travers le monde… Chacun de ces problèmes internationaux présage, dans un contexte globalisé, d’un assombrissement possible de l’avenir canadien.
Des préoccupations communes, des solutions qui font débat
Conscients de ces menaces, l’Association des professionnels en Ressources Humaines (APRH) et le groupe Capital Humain de Deloitte se sont penchés sur les enjeux et problématiques qui s’imposeront demain. En résulte l’étude « Horizon Travail 2025 », fondée sur le croisement des analyses de cinquante spécialistes et acteurs de premier plan du marché du travail canadien.
L’objectif d’une telle enquête ? « Le but de cet exercice n’était pas de définir à coup sûr l’avenir du monde du travail au Canada, explique William Greenhalgh, chef de la direction de l’APRH. Il s’agissait plutôt de reconnaître que, malgré notre position relativement enviable, il est essentiel que nous trouvions des stratégies capables d’enrayer les problèmes très réels qui perdurent. Soit le manque de viabilité de nos industries, la trop faible compétitivité de nos entreprises et de la qualité de l’emploi au pays, le manque d’ouverture de nos milieux de travail, et notre degré d’innovation insuffisant. » Des préoccupations majeures pour chacun des dirigeants, présidents de conseil d’administration, personnalités politiques ou encore universitaires et économistes questionnés pour les besoins de l’étude.
« Les personnes interrogées étaient généralement d’accord sur les questions qui méritaient d’être traitées en priorité, ajoute Jeff Moir, associé chez Deloitte. En revanche, les moyens d’y parvenir ont suscité d’importants débats. » Des débats qui ne manqueront pas d’alimenter les choix qui s’imposeront durant les prochaines années aux décideurs, et qui auront dans l’intervalle contribué à dessiner les trois scénarios imaginés pour l’avenir par l’APRH et Deloitte.
Scénario 1 : « La décennie perdue »
Option la plus pessimiste, elle consiste en l’aboutissement d’une combinaison de passivité et de décisions par défaut. Selon ce schéma, en 2025, l’absence de réponse efficace aux questions soulevées par l’éducation, l’immigration et l’emploi, ainsi que la dilapidation de l’industrie primaire, et enfin le peu d’effort engagé pour un renouvellement nécessaire des infrastructures et l’adoption massive des nouvelles technologies ont fait perdre au Canada son image de marque.
Si cette thèse semble, à première vue, à mille lieues de concorder avec le Canada de 2012, quelques données tendent malgré tout à l’accréditer. En effet, au chapitre de la productivité par exemple, des indices négatifs étaient déjà palpables en 2011.
Autre registre potentiellement problématique : l’adoption du web. Au classement par pays établi en 2010 par McAfee, le Canada se place loin derrière les Emirats-Arabes-Unis, la France, le Mexique, l’Inde ou encore le Brésil.
Scénario 2 : « La prospérité éphémère »
Selon ce scénario plus positif, au 1er janvier 2025, le Canada affiche globalement de bons résultats : le PIB n’a cessé de croître, poussé par l’augmentation constante des cours pétroliers, et les employés hautement qualifiés sont prisés des entreprises, où ils bénéficient à la fois de meilleurs outils de travail, de contrats plus modernes, et d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle optimisé.
Un tableau qui tend toutefois à masquer de profondes difficultés structurelles. En effet, si les ressources naturelles soutiennent l’économie du pays, les autres filières sont, elles, à la traîne. Idem sur le marché de l’emploi : les travailleurs justifiants de formations généralistes disposent de conditions d’exercice obsolètes, et peinent à rencontrer des opportunités de carrière satisfaisantes. En un mot : « le Canada, dans ce cas de figure, aura échoué à son objectif de diversification, et n’aura pas su mettre en place un système éducatif en phase avec les besoins réels du marché du travail », résume Jeff Moir.
Scénario 3 : « Le tigre du Nord »
Dernière alternative : l’image d’un Canada qui fait preuve en 2025 d’une économie vigoureuse, car diversifiée. Le pays tire profit de sa capacité à avoir su miser sur les technologies vertes et durables, les TIC ou encore les services professionnels. L’immigration a été intégrée de manière intelligente sur le marché du travail, grâce à une reconnaissance améliorée des diplômes internationaux. Le système éducatif canadien a su s’adapter aux besoins actualisés des entreprises. La législation relative à l’emploi apporte une flexibilité plus grande aux entreprises et aux employés, pour plus de productivité. Bref, l’emploi et la croissance sont au beau fixe, et l’économie canadienne rayonne à l’international.
Les clefs de la réussite
Principale condition pour que le pays se mute en un félin combatif d’ici quinze ans : le changement. En effet, « des décisions doivent être prises, et elles doivent l’être bientôt, insiste Jeff Moir. Des turbulences certaines nous attendent si nous choisissons la voie de la moindre résistance. Et, ainsi que nous nous attachons à le démontrer, des perspectives positives sont possibles pour le monde du travail canadien en 2025 ».
Sur quels points agir alors, pour préparer la future prospérité du Canada ? L’étude formule en ce sens cinq leviers déterminants :
- La modernisation de l’éducation : amélioration des conditions d’études, orientation encouragée des élèves vers les cursus de mathématiques, du génie et de l’informatique, attention plus grande conférée à l’éducation financière, visant à promouvoir auprès des jeunes l’autonomie et l’entrepreneuriat.
- La réforme de l’immigration : meilleure adaptation et reconnaissance des compétences acquises à l’étranger.
- L’accroissement de la flexibilité de l’emploi : refonte des contrats et régimes légaux du travail et collaboration étroite des syndicats et instances dirigeantes des entreprises au service de l’innovation et de la productivité.
- L’investissement dans l’excellence industrielle : diversification massive des activités.
- La mise en place des infrastructures nécessaires à l’expression des talents : campagnes de sensibilisation à grande échelle et promotion active de secteurs prometteurs, tels les TIC.