Jusqu’où un recruteur doit-il coacher ses candidats?

Il y a des limites à l’intervention du recruteur. La frontière est parfois bien mince entre préparer un candidat à son entrevue et lui donner toutes les ficelles. Certes, tout recruteur qui se respecte souhaite que le candidat qu’il présente performe. Il en va de sa crédibilité et de sa capacité à bien évaluer sa fameuse perle rare. Certains recruteurs réécrivent même les CV de leurs candidats pour mieux les mettre en valeur. Ont-ils raison ou ont-ils simplement peur que leurs poulains ne leur fassent défaut? Est-ce une trop grande incursion dans l’authenticité du processus? La question est anodine, mais reflète bien le drame du recruteur qui remet bien souvent son honneur entre les mains des candidats qui le représentent. Notre métier est ingrat mais nous l’aimons, n’est-ce pas?

Coach candidatesRécemment, un recruteur me faisait part d’une situation qu’il venait de vivre. Une situation que nous avons tous, un jour ou l’autre, vécue à nos dépens. Voulant bien faire, le recruteur explique au candidat que le gestionnaire qu’il va rencontrer – un gestionnaire d’une entreprise publique bien en vue – est un homme plutôt sportif, qui apprécie les gens tels qu’ils sont : au naturel et sans chichis. « Jouez la carte de l’authenticité et soyez vous-mêmemonclient apprécie les gens tels qu’ils sont », avait été son conseil. Le jour de la rencontre, le candidat s’est présenté en leggings et en T-shirt usé à la corde. Adieu l’authenticité, bonjour simplicité volontaire et bye bye candidat! Quand le client a rappelé le recruteur, il était en furie. Le recruteur aurait-il dû préciser que « authentique » dans l’esprit de son client ne signifiait pas « négligé ». L’erreur de jugement du candidat est devenue l’incompétence du recruteur. S’il n’avait rien dit, le candidat se serait certainement présenté dans une tenue différente et aurait peut-être été retenu. Peut-être, mais aurait-il passé le cap des six premiers mois au sein de l’organisation?

Autre situation vécue. Le recruteur confie au candidat que son client est un gestionnaire très exigeant et dur mais juste. Son client est un homme qui a la réputation de ne pas se laisser convaincre facilement et à qui il ne faut pas hésiter à prouver sa valeur et démontrer ses idées. Résultat : le candidat a adopté une approche agressive et plutôt « bulldozer » telle, qui lui a fait perdre la job.

Coacher un candidat n’est donc pas sans risques. Le problème est que les candidats n’écoutent pas toujours ou ne retiennent que partiellement les conseils. Quant aux gestionnaires, ils ne sont pas toujours très habiles dans leurs façons de conduire leurs entrevues et pas toujours très honnêtes sur leur propre autoévaluation. Ainsi, le gestionnaire plutôt cool était en fait un conservateur qui n’ose pas se l’avouer et le gestionnaire à la poigne ferme plutôt intimidé en vérité. Le recruteur devrait non seulement faire une meilleure évaluation du client et mieux le connaître, mais surtout s’assurer que le candidat comprend bien la nature des conseils ou des informations qui lui sont transmises. Il faut qu’il soit capable d’évaluer l’enjeu de la rencontre et d’utiliser les informations à bon escient. Cela suppose qu’une certaine complicité se soit créée entre le recruteur et le candidat et que chacun comprenne bien et reçoive bien le message sans le déformer ni le filtrer. C’est là tout l’art du coaching et cela prend du temps : une simple conversation téléphonique suivie d’une entrevue d’une heure ne suffit pas. Non, cela se bâtit sur une longue période, tous les coachs professionnels vous le diront. À moins que vous connaissiez suffisamment bien le candidat que vous présentez, soyez donc vigilant. Ne vous trompez pas non plus sur la nature de votre relation avec le candidat. Trop en dire peut vous nuire. J’ai, en mémoire, une expérience vécue par un confrère qui, croyant bien faire, a partagé avec son candidat des informations personnelles sur son client. En fait, dans ce cas précis, le client sortait d’un divorce et les enfants vivaient en garde partagée. Comme le candidat s’interrogeait sur la position de l’employeur face à la conciliation travail famille, le recruteur a voulu le rassurer en partageant la situation de son client. Erreur fatale : le client s’en est offusqué, et cela a brisé la relation de confiance entre lui et le recruteur.

On peut coacher un candidat en lui donnant tous les outils pour bien se préparer : informations financières, plan d’affaires, rapports annuels, organigrammes, description du poste et de l’équipe, etc. On peut aussi le renseigner sur la culture de l’organisation ou le climat ambiant. On devrait aussi l’aider à identifier ses forces et ses faiblesses pour mieux se mettre en valeur et donc performer en entrevue. On ne peut pas faire plus car, après ça, c’est de la triche : leur donner toutes les réponses d’avance, leur fournir le questionnaire d’entrevue ou encore partager avec eux des infos confidentielles vous met à risque. À trop vouloir bien faire, on fait mal. En réalité, je dirais plutôt qu’à trop vouloir se protéger comme recruteur de l’échec potentiel du candidat, on lui fait commettre des erreurs qui nous coûtent au final notre crédibilité.

La règle est que les individus que nous présentons aux clients ou aux gestionnaires doivent être vus au naturel et sans artifices car, si l’on peut tricher le temps d’une entrevue ou d’un processus, on ne le peut après plusieurs mois…. Chassez le naturel et il revient au galop !

Nathalie Francisci, Adma, CRHA
Vice-présidente exécutive
chez Mandrake Groupe Conseil

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