La « detox » de Nadine (suite)
Vous vous souvenez de Nadine le mois dernier? Toujours en Detox corporative, Nadine est passée en deuxième vitesse. Après avoir distingué l’urgent de l’important, elle s’est dotée d’une stratégie. Comment redonner du sens dans un nouveau mode de vie professionnel et personnel? Au-delà des embûches (et oui, les rechutes et l’ombre de la culpabilité planent encore au-dessus d’elle), elle a repris peu à peu le contrôle. Une phrase du livre « Chapters » de Candice Carpenter l’a particulièrement aidée : « N’agissez pas immédiatement : attendez! Quand vous êtes invité à retourner dans votre vie professionnelle antérieure, soyez flatté mais tenez votre bout. Quelque chose de trop important se produit actuellement dans votre vie et vous aurez besoin de temps pour y parvenir… L’enjeu (le changement) est trop important pour abandonner et retourner à votre zone de confort. Ne vous vendez pas, mais mettez-vous en location! » Cette voie, le « leasing », a séduit Nadine. Cela lui permettait de gérer l’équilibre entre sa culpabilité, la peur du changement (elle pouvait ainsi garder un ancrage) et la crainte de perdre tout revenu financier le temps de se réinventer. La location de ses services (en clair la consultation) lui offrait du temps pour se préparer à la suite. Et ça, elle savait faire! Négocier les contrats, les termes et les modalités, planifier les activités… Mais jamais d’engagement long terme et toujours une porte de sortie. Quelle magnifique bulle d’oxygène! Elle prit soin de réserver des plages horaires dans son agenda et c’est ainsi qu’elle organisa ses nouvelles occupations trois jours sur cinq. Elle conservait deux journées dédiées à son projet. Maintenant, Nadine peut se consacrer à trouver la carrière ou l’emploi qui fait du sens pour elle.
« Redonner du sens, trouver du sens dans son travail » sont des sujets d’actualité. Depuis plusieurs années déjà, on nous parle de ces nouveaux enjeux. Il y a encore une dizaine ou une vingtaine d’années, ces questions ne se posaient pas. On entrait sur le marché du travail après ses études puis on se dédiait à son employeur. Aujourd’hui, le rapport de force inversé « employeur-employé », la perte de la loyauté des employés et l’absence de garantie d’emploi des employeurs ont provoqué des changements profonds dans les mentalités. Ce qui frappe aujourd’hui, via les cas croissants de maladies mentales déclarées et le nouvel enjeu de santé mentale pour les employeurs, c’est que nous avons tous besoin de trouver du sens. Un emploi qui ne comble plus ce besoin fondamental peut plonger l’employé, le gestionnaire ou le cadre supérieur en dépression, voire pire, en épuisement professionnel. Alors quoi? On part à la recherche du sens dans notre travail comme la quête du Saint Graal?
Selon l’étude pilotée par Estelle Morin des HEC et Charles Gagné (http://www.irsst.qc.ca/media/documents/PubIRSST/r-624.pdf) de l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), six caractéristiques donnent un sens au travail : l’utilité sociale, l’autonomie, les occasions d’apprentissage et de développement, la rectitude morale, la qualité des relations et la reconnaissance. Bien que l’étude ne date pas d’hier, le thème est toujours aussi vivant. C’est ce qui amène Nadine, comme d’autres cadres, à éprouver ce malaise face à la perte de sens. Malcom Gladwell, auteur à succès avec « Le point de bascule », « La force de l’intuition » ou « Les prodiges », explique très bien qu’il doit exister une corrélation entre l’effort au travail et ce que l’on en retire (reconnaissance, performance…). Vous devez récolter de chaque effort un bénéfice : du un pour un!
Je crois qu’il y a plus que ces six caractéristiques. Il y a, au-delà de tout, le besoin de contribuer à un projet plus large, la nécessité de sentir que l’on va laisser une empreinte. Quel est l’héritage que vous souhaitez laisser? Peut-être une question à vous poser comme recruteur ou responsable RH, mais aussi une question à poser à vos candidats dans le cadre des entrevues d’embauche. Je doute pourtant des réponses car nombre d’entre nous ne possèdent pas les réponses…
Ce qui compte aussi c’est faire la différence. Offrons-nous, suffisamment souvent, à une personne la possibilité de se démarquer? Pourquoi ne pas lui donner la possibilité de réaliser quelque chose pour la première fois et de la regarder apprendre et se développer. Un peu comme une graine que l’on plante et que l’on regarde pousser. Mais combien de vos gestionnaires prennent ce risque? Combien d’individus osent sortir de leur zone de confort? Les entrepreneurs sont souvent ceux qui sont les plus heureux car ils combinent à la fois les six caractéristiques essentielles pour donner du sens à leur travail (l’autonomie en particulier) et l’équilibre entre effort et reconnaissance… Il parait même que 69 % des entrepreneurs se disent, en moyenne, très heureux et 61 % pensent être plus heureux que leurs pairs (http://www.entrepriseglobale.biz/2010/10/20/les-entrepreneurs-sont-des-gens-plus-heureux-de-les-autres-une-enquete-le-confirme).
Le facteur « liberté » est définitivement le facteur déterminant qui change toute la donne. Les entrepreneurs sont-ils si libres? Pas si sûr, mais au moins ils ont le sentiment de l’être. Un peu comme lorsque l’on habite au bord de la mer mais que l’on ne va jamais à la plage. L’employé, lui, peut se sentir restreint et « pris ». C’est néanmoins une réalité et c’est probablement la raison pour laquelle la génération Y est si avide d’autonomie et de flexibilité. Elle a bien compris que, pour se réaliser professionnellement, il faut être soi-même et se sentir libre.
Nadine a choisi la voie de la liberté qui, sans être de tout repos ou la plus facile, va pouvoir de nouveau lui permettre de trouver du sens à son travail. Comme la quête du Saint Graal, c’est une forme de voyage initiatique… Bonne quête!
Nathalie Francisci,
Chroniqueuse, Conférencière, Administrateur de sociétés
www.nathaliefrancisci.com