Il y a quelques semaines, je partageais certaines statistiques intéressantes avec un groupe de directeurs des ressources humaines de municipalités. La donnée qui les a fait le plus sourciller? Celle, révélée par une étude McKinsey, selon laquelle 37 % des gestionnaires n’adressaient pas le sous-rendement, même chronique, de manière efficace. Cela vous interpelle-t-il? Pensons quelques instants à la fameuse période tant redoutée par nos cadres : l’entrevue annuelle d’évaluation. Vous savez ce moment dans l’année où vous devez rencontrer chacun de vos employés pour mettre sur papier leur rendement… Certains gestionnaires, à l’approche de ce moment, font des boutons. Les employés, quant à eux, en ressortent souvent frustrés avec l’impression d’avoir perdu leur temps et que rien ne s’est dit.
Ils reprochent d’ailleurs à leur patron d’être insuffisamment impliqué dans le développement de leur carrière et de leur potentiel (45 % des répondants de la même étude citée plus haut), voire que le top-management dédie trop peu de temps à la gestion des talents (59 %).
Mais qu’est-ce donc qu’adresser le sous-rendement ou la non-performance (plus joliment dit d’ailleurs) si ce n’est contribuer et s’impliquer activement au développement de nos équipes de travail et les amener à devenir meilleures? Le problème, c’est le manque de courage parfois de nos gestionnaires à « se dire les vraies affaires ». Au lieu de se parler franchement, de mettre le doigt sur le « bobo », on évince la question, et les employés se retrouvent classés dans la moyenne sauf exception. Les meilleurs auront le bonus et seront classés dans la case « superstar » (je vous laisse imaginer leur nombre plutôt restreint), les plus mauvais seront classés dans la catégorie « irrécupérable » et auront accès éventuellement à un programme de formation, à des remontrances en bonne et due forme, au Programme d’aide aux employés ou en dernier recours… à la porte. Mais que fait-on pour les autres, tous les autres (qui représentent la majorité des moyens) ? On s’entend, nous avons dans nos équipes une minorité de très bons et de très mauvais (enfin, espérons…), les autres se retrouvent dans la moyenne. Et bien, je vous le dis, ON NE FAIT RIEN! Trop occupés par nos 20 % de hauts potentiels ou d’irrécupérables, nous négligeons la majorité et, dans cette masse d’individus, toutes les perles rares et les talents inexploités qui ne demandent qu’à être révélés. Il est donc grand temps d’agir, et cela commence maintenant. Sachez d’ailleurs que seulement 6 % des employés canadiens sentent qu’ils sont traités comme l’élément le plus important de l’organisation alors que 85 % des gestionnaires affirment que le capital humain est l’actif le plus important de l’entreprise. On dirait qu’il y a un « disconnect » ou… un langage de sourds. Rétablir l’équilibre passe donc par :
- Adresser chaque situation qui se présente avec l’employé. Cela ne sert à rien de prendre des notes sur les membres des équipes (quand cela est fait) pour en parler à la fin de l’année au moment de l’entretien annuel. L’employé aura, lui, oublié l’événement et vous passerez votre temps à discuter de la pertinence ou de la justesse de ce que vous lui reprochez au lieu de le faire dans l’instant et de vous concentrer sur la solution.
- Chaque erreur ou faux pas de la part d’un employé doit toujours être mis en perspective avec son développement personnel et de carrière. Si certaines situations se répètent malgré vos rencontres et ajustements, il est fort possible que la personne ne soit pas à la bonne place. Il vous sera alors d’autant plus facile de lui proposer une autre affectation ou d’en arriver à la conclusion que l’employé n’est pas à sa place. Il est beaucoup plus facile, dans ce cas, de prendre les mesures qui s’imposent avec l’employé puisqu’il est partie prenante de ce processus. Personne, ni même le syndicat, ne pourra vous reprocher d’avoir pris, par surprise, l’individu ou encore de ne pas avoir essayé de le développer ni de lui donner les outils ou avertissements nécessaires.
- Soyez précis dans vos remarques. Méfiez-vous des messages à tous trop génériques ou motivateurs du genre : « Désormais, j’attends de vous que vous donniez le meilleur de vous-même » ou bien « Nous allons y arriver ensemble, je suis avec vous! » Certes, ce genre de messages est nécessaire et produit son effet, mais il perd toute sa substance s’il n’est pas rattaché solidement à du concret pour chacun. Chaque membre de l’équipe doit savoir précisément ce qu’il doit améliorer pour atteindre ses objectifs.
La gestion de la non-performance requiert autant de discipline de votre part que de la méthode et de l’empathie. Rares sont les employés qui mettent sciemment de la mauvaise volonté ou qui sabotent volontairement leur carrière. Généralement, ils ont à cœur leur réussite, mais ils ne savent pas comment s’y prendre et n’osent jamais vous avouer ni s’avouer eux-mêmes leurs difficultés ou leur incompétence dans certains domaines. Alors, il devient plus facile de la cacher et de se cacher derrière les procédures, les politiques, les systèmes informatiques déficients en accusant l’organisation, les collègues, la météo ou je-ne-sais-quoi. Les échappatoires sont nombreuses. Pourtant, il y a un bon fond si on sait comment le faire ressortir… Bonnes nouvelles pour les cadres des municipalités et des secteurs gouvernemental ou paragouvernemental : 52 % des employés se disent très loyaux envers leur employeur, 34 % affirment que le secteur public est un des employeurs les plus attractifs et 28 % resteraient quand même si un meilleur salaire leur était offert ailleurs (données Statistique Canada).
Il est donc grand temps de voir la « non-performance » comme l’occasion unique de mieux connaître nos ressources et de s’investir à 100 % dans notre rôle de gestionnaire. C’est un investissement responsable qui nous permettra de bâtir une équipe plus équilibrée, en santé et très performante. Que cela exige-t-il de votre part? Une forte dose de courage managérial.
Nathalie Francisci, Adma, CRHA
Vice-présidente exécutive
chez Mandrake Groupe Conseil