La valse des CEO et des cadres dirigeants continue. On n’arrête pas le changement. En mars 2013, le niveau de départ des CEO est quasi équivalent à celui de 2008. Crise ou pas, vous, cadre dirigeant, êtes bien assis sur un siège éjectable avec de moins en moins de parachutes à portée de main…
Le dernier rapport de la firme américaine de transition de carrière Challenger Gray & Christmas notait, en date du 28 février 2013, le départ de 233 CEO. La moyenne des mois de janvier et février (généralement très propices aux départs des CEO, fin d’année civile oblige…) pour les 6 dernières années est de près de 219 départs. Donc, 2013 s’annonce un bon cru… Ceci est sans compter les récents départs annoncés il y a quelques semaines : Pierre Karl Péladeau (Québecor) annonçait qu’il se retirait pour se consacrer à sa famille, l’ex-COO de Metro, Robert Sawyer, devient le CEO de RONA en remplacement de Robert Dutton, Marc Tellier a annoncé son départ des Pages Jaunes, Ben Verwaayen quittera Alcatel-Lucent, etc.
Depuis les 15 dernières années, la valse des CEO a augmenté de 59 % : il y a 15 ans c’était 1 CEO sur 8 contre 1 sur 3 aujourd’hui. En 2011, 14,2 % des CEO des 2500 plus grandes entreprises ont été remplacés, ce qui marque un sommet historique selon le rapport du cabinet de conseil en stratégie Booz http://www.strategyand.pwc.com/global/home/what-we-think/chief-executive-study.
À y regarder de plus près, ce n’est plus une valse, mais c’est un rock endiablé qui enflamme les bureaux des hautes directions des grandes entreprises. Je pense autant ici à Yahoo (5 CEO en 5 ans…), Encana, RIM, CN, SuperValu http://www.startribune.com/business/201259201.html?refer=y, GAP, JetBlue ou Motorola. J’arrête là, la liste étant trop longue… Fait intéressant, on change plus facilement de CEO dans le privé que dans les entreprises cotées en bourse. Les marchés financiers sanctionnent lourdement les changements à la haute direction, et la crainte de voir trop de variations sur le cours de l’action freine les ardeurs des conseils d’administration. À ce chapitre , je vous conseille la lecture d’un récent article du Harvard Business Review intitulé « Que pensent réellement les C
EO de leur conseil d’administration » http://hbr.org/2013/04/what-ceos-really-think-of-their-boards/ar/1. À en croire les CEO, ils se sentent plus souvent qu’autrement abandonnés et mal accompagnés ou compris par leur conseil. Certains vont même jusqu’à laisser sous-entendre que certains administrateurs préféreraient les remplacer plutôt que de risquer de perdre leur siège et leur prestigieuse position d’administrateur de sociétés. Inquiétant quand on pense que c’est la loyauté et l’intérêt envers l’organisation qui priment plutôt que celui envers les actionnaires. Enfin, ceci est un autre débat. Revenons à nos CEO…
Pourquoi tant de départs aussi précipités, forcés ou arrangés ? Peu importe la façon dont l’annonce est faite et le joli emballage choisi, le résultat est le même. Recruter un CEO est un investissement énorme en termes de temps investi et d’argent (que les chasseurs de têtes se rassurent : à ce rythme, ils ont encore visiblement du travail pour longtemps…). Combien coûte le départ d’un CEO ? Je ne compte pas ici seulement les frais directs associés à son embauche et à sa prime de départ. Je parle plutôt des coûts rarement exposés au grand jour : la démobilisation des troupes, l’inaction et l’absence de prise de décision avant et après son départ, le changement d’orientation ou de stratégie, la perte de focus sur la « business » pendant que les concurrents font « choux gras » de vos déboires et la volatilité du prix de votre action. Bref, ce n’est pas l’année de salaire et les primes diverses accompagnées d’un programme de transition qui vous coûtent. C’est tout le reste : jusqu’à 3 ans de sa rémunération globale et même plus dans certains cas. Faites le calcul…
Comment stopper l’hémorragie ? Est-ce possible ? Souhaitable ? On peut se poser la question… Il y a plusieurs écoles de pensées qui vont du sacrifice de son CEO sur l’autel des marchés financiers, à l’importance d’apporter du sang neuf à tout prix au grand dam des candidats de l’interne (lire ma chronique à ce sujet sur les plans de succession ) au CEO qui se fait hara
-kiri pour s’éviter une période plus difficile. Et aussi à ceux qui, épuisés et vidés par la pression que doit supporter un chef de la direction, abdiquent et vont cultiver leur jardin ou faire un trek au Népal. La job du CEO est de plus en plus difficile. À en croire d’ailleurs les chasseurs de têtes, c’est de plus en plus difficile à recruter. Fonction ingrate que celle du CEO qui, pris en sandwich entre les multiples parties prenantes, est d’aujourd’hui soumis à des tensions que peu supportent bien longtemps sans faire de faux pas un jour ou l’autre. Je ne veux pas excuser ceux qui commettent des erreurs d’éthique ou de jugement, mais on peut se demander si ce post
e est encore humain. 7/7, 365/365, 24/24… Il ne reste aucune place pour que le ou la CEO reprenne son souffle. Qui plus est, je dirais qu’une des responsabilités des directions des ressources humaines est d’accompagner le CEO en lui offrant du support, mais surtout en lui apprenant à prendre du recul et à prendre soin de lui. Combien de VP RH se « pointent » dans le bureau de leur CEO en lui intimant de prendre l’après-midi de congés ou encore lui programmer des vacances à son insu ? Je vous entends crier à l’ingérence et au management patriarcal, mais qui va prendre soin du CEO à part vous ? Qui ?
Voici à l’usage des CEO quelques conseils pour ceux qui prendraient leurs fonctions prochainement (adaptation libre de la liste de Booz management).
1. Évaluez le plus rapidement l’état de votre équipe de direction et les changements éventuels à faire si nécessaire
2. Soyez prudent avant de procéder trop rapidement à un changement de stratégie, même si c’est pour cela que vous avez été recruté
3. Assurez-vous de comprendre l’ensemble des opérations de l’organisation
4. Misez sur la confiance et la transparence dans votre style de gestion et de communication
5. Soyez sélectif dans les conseils qui vous sont donnés
6. Trouvez-vous un coéquipier fiable avec qui vous allez pouvoir échanger librement (à l’interne ou à l’externe)
7. Faites attention à vous et ne vous oubliez pas
Je suis convaincue que les professionnels en RH trouveront, dans cette liste, un moyen d’accompagner le CEO.