Le big data, c’est le nouveau mot à la mode chez les recruteurs. Dans les faits, son utilisation est nettement moins répandue. Pour reprendre l’expression de l’humoriste Yvon Deschamps, l’utilisation du big data en recrutement, « qu’ossa donne »? Premier article d'une série de deux pour faire le tour de la question.
Le big data (données de masse) consiste à recueillir un grand volume de données (sur les médias sociaux, notamment) et à les exploiter en les analysant à l'aide d'algorithmes.
Concrètement, ces données permettent aux recruteurs de prédire le succès et la performance d’un employé. Pour faire une analogie, il s’agit un peu du même modèle utilisé depuis longtemps par les assureurs pour prédire le degré de risque que présente un assuré. Ce risque a été évalué sur la base de plusieurs données. Appliqué au domaine des ressources humaines, on parle alors du data recruitment.
Un recruteur pourrait, par exemple, prévoir le degré de disponibilité des profils passifs, c’est-à-dire les profils sur LinkedIn qui ne cherchent pas activement un emploi, mais qui seraient réceptifs à recevoir une offre. Comment le big data les aiderait-il à cibler ces profils ? Par l’analyse d’éléments qui influencent cette donnée. Ainsi, il a été déterminé que ceux qui mettaient régulièrement à jour leur profil Linkedin ou changeaient souvent leur photo seraient des profils plus ouverts aux offres.
« Ces données doivent être considérées comme des outils à la disposition du recruteur pour être plus efficient. Elles ne se substituent en aucun cas au rôle de recruteur », tient à souligner Eric Tonto, cofondateur de Biglittlejob.com, une plateforme de recrutement prédictif.
Pour le recrutement de candidats à des postes stratégiques comme les cadres, l’analyse de données permet de se rendre compte, par exemple, que plus un employé est éloigné géographiquement de son lieu de travail, plus il y a de risques qu’il change d’emploi dans les deux prochaines années. « Le fait d’avoir cette information dès le début du processus permet d’ajuster les profils, de chercher les bons candidats en fonction des bonnes caractéristiques et de revoir le processus de recrutement », explique Jean-Baptiste Audrerie, directeur marketing et psychologue organisationnel à SPB Psychologie organisationnelle. Ce type d’analyse de données a d’ailleurs était réalisée par Google, qui a revu toute sa procédure d’entrevue pour revenir à une approche plus comportementale portant sur l’expérience du candidat plutôt que sur des questions astucieuses visant à les déstabiliser.
Des études récentes* révèlent en effet que le recrutement s’améliorerait de 25 % en utilisant des algorithmes plutôt qu'en se basant uniquement sur l’instinct du recruteur. Ce pourcentage vise les recrutements manqués, lesquels peuvent avoir une grande incidence financière sur l’entreprise.
Eric Tonto illustre bien l’impact d’un tel outil sur l’entreprise. Ainsi, pour un poste de cadre ou un poste stratégique, un recrutement manqué avoisinerait les 300 000 $, si on prend en considération notamment les coûts de formation, les coûts de départ (négociation de contrats) et les coûts de réorganisation des équipes. À 10 recrutements manqués, on frôle les deux millions de dollars. Une amélioration de 10 à 20 % du processus de recrutement peut donc réellement faire la différence pour une entreprise.
« Le recrutement était auparavant uniquement la plateforme des gens de ressources humaines. À cette équipe s’ajouteront très bientôt les scientifiques de données. Il s’agit d’une vraie révolution ! », s’exclame le cofondateur de Biglittlejob.com.
Reste maintenant que le big data ne s’enracine pas seulement dans la langue, mais aussi dans les pratiques de ressources humaines.
* Études : http://hbr.org/2014/05/in-hiring-algorithms-beat-instinct/ar/1