Le concours des Mercuriades vient de décerner un prix à un acteur du e-recrutement : Les carrières jobWings. Lauréate dans la catégorie Services professionnels – PME, l’entreprise montréalaise, créatrice de La Toile des Recruteurs, a été récompensée pour la qualité de sa stratégie de marché. A l’ère du web 2.0, son fondateur et président, Manuel Francisci, nous fait part de sa vision du e-recrutement.
Selon vous, qu’est-ce qui a convaincu le jury des Mercuriades ?
Nous avions une belle histoire à raconter, unique en son genre sur ce marché. J’ai commencé seul avec le site jobWings, et nous sommes aujourd’hui une douzaine pour faire fonctionner une vingtaine de sites liés au domaine de l’emploi. Nous avons réussi à nous positionner à l’échelle nationale sur un marché réservé jusque là à de très gros joueurs, pour la plupart adossés à de puissants groupes de presse.
Racontez-nous cette histoire…
JobWings a été lancé en février 2001, en plein crash des technologies. Autant dire que le moment n’était pas propice. Mais convaincus que la nouvelle génération de sites emploi répondait à une vraie demande des recruteurs et des candidats, nous avons lancé La Toile des Recruteurs en 2002 puis le moteur de recherche Beljob en 2003. C’était une première mondiale : avec Beljob, nous avons transposé au domaine de l’emploi le concept du paiement au clic lancé par Google. Vinrent ensuite nos autres sites emploi spécialisés : ITjob, Recrutech, Retailjob, Salesrep, Compta.ca… ainsi que le lancement pancanadien. Tous nos sites sont aujourd’hui bilingues et présents dans toutes les provinces.
Pourquoi ce créneau des sites spécialisés ?
Parce que c’est plus simple ! Les candidats comme les recruteurs reconnaissent aujourd’hui les limites des sites généralistes : trouver des offres ou des CV pertinents relève souvent du défi tant l’information brassée y est vaste. Les sites spécialisés privilégient le qualitatif au quantitatif : les candidats sont sûrs d’y trouver des offres dans leur secteur ou leur domaine d’expertise et les recruteurs certains d’atteindre les bons candidats.
Le site spécialisé agit comme un filtre naturel pour limiter les candidatures non pertinentes. D’ailleurs, les candidats qui postulent sans lire la description de poste ne les aiment pas. Il n’y a pas assez d’offres à leur goût et leur CV n’est pas entreposé, prêt à être multidiffusé…
Sans compter que les candidats passifs sont maintenant le nerf de la guerre : autant un professionnel en emploi ne perdra pas son temps sur un site généraliste, autant il pourra rester abonné aux alertes de son site spécialisé pour être au fait des opportunités. D’ailleurs, nous communiquons peu auprès des chercheurs d’emploi et davantage auprès des professionnels en poste, à travers les salons et la presse spécialisés. La plupart de nos sites sont aussi dotés de conseils et d’articles propres au secteur.
Selon vous, comment évoluent les besoins des recruteurs ?
Le recrutement traditionnel est aujourd’hui dépassé car le métier s’est profondément complexifié. Il ne suffit plus d’afficher un poste et de convoquer les candidats. Pénurie de talents oblige, les méthodes des chasseurs de tête se généralisent peu à peu ! Créer des relations, se constituer un vivier de candidats, être proactif… à présent il faut être un recruteur chevronné pour réussir à convaincre.
Le rapport de force est ainsi en train de se renverser. L’emploi devient un produit de grande consommation que l’on jette après usage : l’emploi au service d’une carrière, et non plus l’employé au service de l’entreprise. Le candidat est, à présent, un véritable client qu’il faut séduire pour attirer et fidéliser pour conserver.
Ce n’est plus l’entreprise qui recrute mais c’est l’entreprise qui se fait recruter. Et ceci n’est pas seulement vrai pour les nouvelles générations. Il n’y a qu’à regarder les boomers marchander les conditions de leur retour… Tant qu’il s’agissait d’élever les salaires pour attirer ou retenir les talents, c’était relativement simple. Maintenant que la culture et les valeurs de l’entreprise entrent en ligne de compte dans le processus de décision du candidat, cela devient beaucoup plus délicat.
Pensez-vous que les réseaux sociaux détrôneront un jour les sites emploi ?
Le bouche à oreille a toujours été plus efficace que les sites emploi. Les réseaux sociaux permettent une certaine forme de bouche à oreille mais à une échelle trop grande pour ne pas arriver rapidement à saturation. Si tout le monde se met à proposer des jobs à tout le monde, les candidats vont rapidement se sentir comme un recruteur devant une avalanche de CV non pertinents.
Les réseaux sociaux peuvent, par contre, s’avérer un bon support pour des offres d’emploi. Mais l’audience étant morcelée parmi des millions de groupes d’intérêts, le défi est de repérer les meilleurs supports en fonction de chacune des offres. Ceux qui trouvaient difficile de choisir parmi la myriade de sites emploi ne vont pas être déçus…
Quant à Linkedin, je pense qu’il menace surtout les banques de CV. Pourquoi un recruteur irait-il payer une base de données de CV quand il peut en avoir une gratuitement, accompagnée d’un moteur de recherche performant et surtout mise à jour automatiquement par les candidats ! Personnellement je n’ai jamais cru aux bases de CV et je n’ai donc jamais souhaité les mettre en place.
Selon moi, la prochaine étape est soit la synchronisation des viviers de CV des recruteurs avec les sites de type LinkedIn, soit, plus vraisemblablement, une offre permettant aux recruteurs de constituer et de gérer leur bassin de candidats à même la base de données de sites comme LinkedIn. Un peu comme si on greffait à LinkedIn un système Taleo avec l’énorme avantage que la mise à jour est mutualisée à chacun des candidats. L’époque où l’on espérait que les candidats viendraient spontanément mettre à jour leur CV sur les systèmes de toutes les entreprises où ils ont postulé est révolue.
Comment s’annonce 2008 pour Les carrières jobWings ?
Riche en projets ! Nous avons déjà deux sites emploi spécialisés dans les tiroirs ainsi qu’un site lié à l’emploi. Nous nous intéressons également à des projets susceptibles d’attirer la future génération de candidats : les « Z » s’annoncent très difficiles à faire venir sur les jobboards.