Le gestionnaire 3.0 – La numérisation des industries implique une réorganisation du monde du travail, de nouvelles manières de faire et de produire. Dans cet univers en constant changement, le gestionnaire 3.0 devra apprivoiser son nouveau rôle, qui sera crucial dans l’entreprise de demain.
S’il a toujours subi des transformations, le monde du travail est aujourd’hui bouleversé simultanément par plusieurs tendances : numérisation, changement générationnel, télétravail, conscientisation sociale des entreprises. Selon Nathalie Lemieux, professeure et directrice du Département d’organisation et ressources humaines de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, le gestionnaire des 10 à 15 prochaines années devra donc accepter son rôle d’agent de changement, car on ne peut plus séparer l’aspect opérationnel de l’aspect application du changement. Au quotidien, ceux-ci sont de plus en plus liés. Il est toutefois facile « d’accepter » le changement, mais encore faut-il le définir et l’incarner.
« C’est à peine caricaturé, mais souvent la haute direction réfléchit à un changement pendant six mois, l’annonce au gestionnaire intermédiaire le vendredi et s’attend à ce qu’il apporte le changement dès le lundi auprès des employés, explique la professeure. Mais il faut plus qu’un week-end au gestionnaire pour s’approprier le nouveau message et comprendre comment l’incarner pour y faire adhérer ses équipes. »
Libérer l’entreprise… et le gestionnaire
Selon Nathalie Lemieux, les gestionnaires de demain devront avoir un « leadership authentique » et même un « leadership humaniste ». « Le leadership authentique, c’est d’être en accord avec ses propres valeurs, mais aussi de prendre en compte les valeurs de ses employés », explique la professeure. Par exemple, si le gestionnaire valorise l’efficacité à tout prix, mais que pour ses employés, la conciliation travail-famille est importante, le gestionnaire n’est pas « authentique » en respectant à tout prix des valeurs qui vont à l’encontre de celles de ses employés. Il faut alors trouver un compromis.
Cette nouvelle approche témoigne de l’orientation de collaboration que prennent de plus en plus les entreprises, selon la professeure. Les grandes organisations resteront assez hiérarchisées, mais il y aura plus de latitude au sein des équipes. Plusieurs entreprises ont expérimenté avec la méthode du lean management, inspirée du constructeur automobile Toyota, qui donne énormément de responsabilités à ses employés, au point de leur permettre d’arrêter la chaîne de production s’ils le jugent nécessaire. En France, on a fait grand cas de « l’entreprise libérée », où la structure hiérarchique générale est encore assurée par des gestionnaires, mais où les équipes de travail fonctionnent en autogestion.
Ces expériences offrent aux gestionnaires une meilleure idée de ce qui les attend s’ils opèrent ce changement de culture important chez eux. « Prenons un employé présent depuis 15 ans qui a toujours été un exécutant et dont on a toujours rejeté les idées. Si, du jour au lendemain, on se met à lui demander son opinion sur plein de projets, ça peut être très stressant et anxiogène pour lui. Il faut l’accompagner », affirme Nathalie Lemieux.
Les relations au sein des entreprises sont ainsi en pleine redéfinition, ce qui affecte le « contrat psychologique » qui lie l’employé à son patron, selon Nathalie Lemieux. Les gestionnaires seront donc appelés à faciliter ces changements, en donnant plus de souplesse et de responsabilités à leurs employés, tout en communiquant mieux avec la haute direction. Plutôt que d’être axé sur la supervision et le contrôle, le gestionnaire de demain devra se transformer en leader… et ce, peu importe son échelon hiérarchique.