Louis-Philippe Tessier-Parent, économiste à la Direction de l'analyse et de l'information sur le marché du travail à Emploi-Québec estime que 740 000 emplois seront disponibles au Québec d'ici 2014. Environ un tiers de ces emplois seront créés dans le but de répondre à la croissance économique, les deux tiers restants, soit 500 000, sont des postes de travailleurs qui partiront à la retraite.
Ce besoin de main d’œuvre se fait particulièrement ressentir dans certains secteurs tels que le secteur des Mines et Métaux ou celui des Technologies et des Communications, et pour certains types d’emploi comme les métiers spécialisés ou techniques.
Pour faire face à cette pénurie, les employeurs ont recours à de nouveaux leviers pour encourager les chercheurs d’emploi à intégrer leur entreprise.
Des secteurs d’activité dynamiques
En raison de la conjoncture mondiale actuelle et de la force du dollar canadien, certains secteurs d’activité connaissent une stagnation de leurs activités au Québec. On pense notamment au secteur manufacturier dans son ensemble. En revanche, d’autres secteurs se développent et sont activement à la recherche de main d’œuvre. Parmi ces secteurs, se distinguent :
• Mines et Métaux : Le Plan Nord et les autres projets miniers créent de nombreuses opportunités d’emploi dans les zones d’exploration et d’exploitation mais également dans les grands centres urbains.
• Ingénierie, transport et construction : l’activité de ces secteurs reste très forte notamment due aux grands travaux de réfection des infrastructures entrepris par les divers paliers gouvernementaux.
• Technologies de l’Information et des Communications : il s’agit d’un secteur très dynamique et porté notamment par les toutes nouvelles capacités de communication et de divertissement offertes au public et aux organisations. Les entreprises dans les domaines des jeux vidéo, des services informatiques et des médias sociaux sont notamment très plébiscitées.
Tous les secteurs d’activités ne connaissent pas un tel développement économique mais, certains, en raison d’un contexte particulier, peinent à trouver une main d’œuvre qualifiée :
• Services financiers & assurance : ce secteur continue à souffrir d’une l’image négative depuis la crise financière et peine à attirer la main d’œuvre qualifiée dont il a besoin. Pourtant ce secteur offre de nombreuses opportunités d’emploi et de développement professionnel.
• Santé : la vague des départs à la retraite dans ce secteur s’est amorcée et la relève formée n’est pas suffisante pour répondre au besoin.
• Agroalimentaire : il s’agit certainement du secteur manufacturier le plus actif au Québec et qui ne cesse de rechercher de la main d’œuvre aux qualifications diverses. Ce secteur a par ailleurs été peu affecté par la crise en raison d’une consommation soutenue des ménages.
Des postes où la demande est forte
En lien avec le développement des secteurs cités ci-dessus, nous constatons que certains types de poste sont particulièrement recherchés sur le marché de l’emploi. On retrouve notamment:
• Les postes techniques : on parle ici de fonctions techniques reliées à des spécialités (ex.: techniciens en génie-électrique, techniciens en structure, techniciens de machinerie) et au domaine informatique (programmeurs SAP, spécialistes médias sociaux).
• Certains postes reliés à des métiers spécialisés qui requièrent une expertise particulière (ex : ébénistes, électromécaniciens, soudeurs-assembleurs…)
• Les postes professionnels (comptabilité, ressources humaines notamment les postes de recruteurs).
• Les postes de représentants des ventes techniques qui nécessitent une connaissance technique des produits.
• Certains postes administratifs bilingues qui exigent une excellente grammaire française et anglaise.
Des employeurs qui ajustent leur offre?
Pour répondre à ces besoins de main d’œuvre sur un marché hautement compétitif, les employeurs ont bien compris qu’ils devaient mettre en avant leur valeur ajoutée et bonifier leurs conditions d’emploi pour les rendre attractives aux yeux des chercheurs d’emploi. Ainsi plusieurs constats peuvent être dressés :
• Les salaires moyens offerts pour certains postes dits « pénuriques » ont augmenté de 25 à 35% ces 5 dernières années.
• En raison de marges de manœuvre limitées, la hausse n’est toutefois pas systématique pour tous les types de postes, ceci dû aux restrictions budgétaires ou à l’équité interne à maintenir.
• Les employeurs n’hésitent plus à innover dans l’offre de rémunération offerte et ce pour tous les niveaux de poste :
§ des ajustements de salaires après une certaine période suivant la date d’embauche (6-12 mois),
§ les systèmes de bonification qui reviennent en force et sont souvent relié aux résultats de l’entreprise ou du département.
§ des plans de commission plus généreux (peuvent facilement représenter 60% du salaire de base) pour les postes en vente.
• Les PME n’ont pas toujours les moyens financiers pour rivaliser avec les grandes entreprises au niveau des salaires offerts. En conséquence, bien des PME risquent de servir de pépinière de talents aux jeunes diplômés qui cherchent à gagner en expérience. Une fois l’expérience acquise, nombre de ces jeunes diplômés vont être attirés par les conditions avantageuses offertes par les grandes entreprises. Pourtant l’argent fait rarement le bonheur et nombre d’entre eux feront le chemin inverse au bout de quelques années.
Au-delà des conditions salariales, d’autres leviers sont également mis en avant par de nombreux employeurs qui font preuve d’innovation concernant les conditions non-monétaires :
• En raison de l’engouement pour concilier vie professionnelle et vie personnelle sollicité par les travailleurs, associé aux difficultés croissantes pour se déplacer sur son lieu de travail (en particulier dans la région de Montréal), les employeurs offrent de manière plus systématique la possibilité du travail à domicile quelques jours par semaine ou une certaine flexibilité d’horaire (certains employeurs offrent par exemple le vendredi après-midi de congé en tout temps!).
• Les employeurs sont également plus ouverts qu’auparavant à négocier dès le départ le nombre de semaines de vacances offertes et ce, à tous les niveaux de poste.
• Divers autres avantages sont enfin proposés tels que le remboursement des frais de transport, l’inscription à une salle de sport…
Les employeurs en viennent-ils pour autant à réduire leurs exigences?
S’il est vrai que dans une optique d’attraction des meilleurs talents, les employeurs doivent faire appel à de nouvelles techniques, il est rare qu’ils revoient spontanément leurs exigences à la baisse. C’est souvent après plusieurs semaines de recherche du candidat idéal que l’employeur va accepter de réviser les qualifications du profil recherché. Dans ce cas, plusieurs alternatives s’offrent à lui, notamment :
• Il accepte de rencontrer en entrevue des candidats qui ne détiennent pas forcément le nombre d’années d’expérience initialement exigé et va donc s’ouvrir à des profils plus juniors à fort potentiel.
• Second cas de figure, il va considérer des profils de candidats qui ont travaillé dans des secteurs d’activités différents mais qui ont des compétences transférables.
Dans les deux cas, il est primordial que les employeurs mettent en place des programmes de formation pour accompagner leur nouvel employé :
• Pour les formations techniques ou spécifiques au secteur d’activité, les employeurs vont le plus souvent développer des plans de formation à l’interne, généralement sous forme de coaching.
• Lorsqu’il s’agit d’acquérir des compétences dites non-techniques, les employeurs vont faire appel à des firmes spécialisées en formation qui vont offrir des formations sur mesure et développer ainsi des compétences spécifiques : service à la clientèle, gestion de personnel, gestion de projet…
En conclusion, nous constatons que plusieurs secteurs ont cruellement besoin de main d’œuvre et qu’une certaine surenchère prend place pour certaines catégories de postes. En revanche, les conditions offertes par les employeurs sont encore très inégales mais sont parfois compensées par des formations ou autres avantages non-monétaires offerts aux chercheurs d’emploi.