Admettre qu'on n'est pas un travailleur d'équipe, c'est presque suicidaire. Pourtant, bien peu d'organisations prêchent par l'exemple.
Même si tout le monde s'accorde à dire que le travail d'équipe est le meilleur moyen d'atteindre les objectifs d'une organisation, la mise en pratique n'est pas aisée.
Les objectifs d'une équipe ne sont pas toujours compris ni acceptés par ses membres, plus souvent concentrés sur leurs objectifs individuels. Plus l'organisation ou le groupe est grand, plus cela devient complexe. Souvenez-vous, déjà à l'école, il était difficile de s'entendre sur la distribution des tâches en vue des travaux d'équipe. La collaboration entre celui qui était toujours en retard dans ses recherches, le "tire-au-flanc", le premier de classe angoissé par la note finale… et vous-même débouchait parfois sur des travaux de fin de session houleux. C'était toujours les mêmes qui s'occupaient de produire le document final. En entreprise, le scénario est semblable, à la différence que les objectifs et les délais sont imposés par votre employeur, qui vous paie pour cela. Pour devenir un meilleur joueur d'équipe, il est important de connaître les grands paradoxes du travail d'équipe dans nos organisations.
- L'organisation du travail en silos. Les équipes sont regroupées par fonctions et par compétences, et n'ont que peu d'interactions, sauf par obligation. Même les structures matricielles censées obliger les unités à collaborer n'y parviennent pas. Prenez la fonction RH. Elle sert de multiples clients internes, mais elle est composée principalement de spécialistes qui, même entre professionnels des RH, ont parfois du mal à collaborer. À titre d'exemple, la fonction rémunération est souvent coincée entre ses échelles salariales internes et le marché externe. Résultat : les experts en rémunération sont souvent en conflit avec leurs collègues recruteurs lorsqu'il s'agit d'embaucher des candidats externes. Par ailleurs, un vice-président finance me confiait récemment que son processus budgétaire ressemblait à une guerre civile. Les équipes de vente refusaient carrément de coopérer avec ses équipes et n'acceptaient pas leurs méthodes de calcul de coûts d'exploitation. Résultat ? Il lui était quasi impossible de comptabiliser certains frais, et le processus s'allongeait de façon spectaculaire.
- Les systèmes d'évaluation et de rémunération. Bien que les entreprises veuillent favoriser le travail d'équipe, elles rémunèrent surtout la performance individuelle. Même si une portion de la prime de fin d'année repose sur l'atteinte des objectifs de l'entreprise, il est bien souvent difficile pour les employés d'en comprendre les règles de distribution. La prime individuelle est liée à la performance de l'individu, dont l'atteinte des objectifs est jaugée au moment de l'entrevue d'évaluation annuelle. C'est en fonction de cette évaluation que l'employé pourra accéder ou non à une promotion, faire évoluer sa carrière à l'interne, obtenir de la formation et une augmentation. Ces mécanismes ne suscitent ni l'entraide ni la collaboration.
- La divergence entre les objectifs collectifs et les objectifs individuels. D'un côté, les entreprises doivent réagir rapidement, innover constamment, faire face à un environnement de plus en plus complexe ; de l'autre, les employés recherchent un meilleur équilibre de vie et se sentent de moins en moins engagés dans l'organisation. Le fossé se creuse donc entre les attentes des entreprises envers leurs employés et ce que ces derniers recherchent au travail. C'est ainsi qu'on se retrouve avec des équipes hétéroclites où cohabitent le perfectionniste, le bourreau de travail, l'employé qui fait du neuf à cinq et celui qui fait du présentéisme. Ce ne sont pas tous les employés qui se sentent concernés de la même manière par la croissance de l'entreprise et l'atteinte de ses objectifs.
- La composition de l'équipe. On choisit rarement ses collègues. Quand vous a-t-on demandé pour la dernière fois votre avis sur votre voisin de bureau ? Vous devrez pourtant vous en accommoder : ce sera peut-être le seul point commun que vous partagerez avec lui.
Aucun doute, en ce qui a trait au travail d'équipe, il existe une forme d'hypocrisie qui se manifeste par les séminaires de mobilisation créative, les gourous de la motivation collective, les parties de paint ball et autres activités de défoulement collectif.