Avec un taux de chômage à 8 %, il semblerait que les recruteurs ne soient pas très occupés ces derniers temps et pourtant… Comment expliquer qu’il est toujours aussi difficile de recruter ces derniers mois?
À première vue, enfin pour certains, il est très facile de recruter puisque les rangs des chercheurs d’emploi ne cessent d’augmenter. Quelqu’un me disait récemment combien notre métier devenait facile comparativement à 2007 ou 2008. Ah oui? Au contraire, les candidats n’ont jamais été aussi prudents dans leur changement de carrière, et les entreprises aussi scrupuleuses à recruter les meilleurs. Les processus s’allongent, les entrevues changent de ton et les vérifications diligentes se complexifient. Certes, certains candidats se retrouvent sur le marché, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont prêts à sauter sur la première opportunité. Ils prennent leur temps et veulent s’assurer de choisir le bon cheval. Ils ne veulent pas revivre la même situation dans six mois.
Ne nous méprenons pas, le talent est toujours aussi rare. Si vous avez l’opportunité de trouver la perle rare parmi les 8 % de chômeurs, alors soyez plus rapide que les autres, et recrutez-la. Sachez que nombre de ces nouveaux chômeurs sont qualifiés, connaissent leur valeur et se retrouvent sans emploi bien souvent parce que leur organisation a dû les laisser aller, non pas pour des raisons de performance individuelle mais pour satisfaire la pression des marchés financiers. Nuance! Et quelle nuance d’importance. Combien d’entreprises peuvent encore prétendre « couper dans le gras » quand on sait que la majorité des équipes de travail étaient déjà au régime minceur avant l’automne 2008? On est dans une situation de crise si intense que les recruteurs ne savent plus où donner de la tête. Ils sont submergés, d’un côté par les demandes des candidats – nos Inbox débordent de demandes de rencontres, de mises à jour de cv et de nouvelles candidatures –, et de l’autre par les demandes des gestionnaires qui appellent à l’aide. Comment livrer ce qui est attendu avec un tiers de l’équipe en moins? Quand une organisation décide de laisser aller certains éléments pour couper dans la masse salariale, mais qu’elle doit quand même faire face à leur remplacement pour des talents moins dispendieux, je peux vous assurer que la pression sur le recruteur, pour embaucher des candidats tout aussi compétents mais moins chers, relève de l’exploit.
Comment les recruteurs pourront-ils s’en sortir et se démarquer lorsque la reprise pointera le bout du nez? Comment préserver cette fragile « image employeur » sans livrer ses meilleurs éléments ou candidats à la compétition? Et demain, comment attirer les candidats passifs dans vos processus de recrutement?
Voici quelques pistes de solutions ou de réflexions :
– Investissez dans votre nouveau bassin de candidats. La bonne nouvelle, c’est que les candidats viennent plus facilement à vous. L’enjeu de l’attraction reste un enjeu, mais le contexte actuel vous donne l’opportunité de vous démarquer.
– Répondez à TOUS vos appels, messages vocaux et courriels et encore plus vite qu’avant, et ce, de manière personnalisée. Pas besoin d’écrire un roman, mais de grâce évitez l’auto-reply banalisé ou pire… l’absence de réponse !
– Misez sur les entrevues exploratoires et favorisez les échanges et les discussions avec votre bassin interne et externe de candidats car ils ont besoin de votre écoute. Sachez les aider et les guider. Vous n’avez rien à offrir mais le candidat possède les compétences que vous recherchiez il y a tout juste six mois ? Invitez-le à venir vous rencontrer, ne serait-ce que 30 minutes. Vous qui auriez tout fait il y a encore quelques semaines pour lui parler même trois minutes au téléphone… vous ne voudriez plus lui accorder quelques minutes aujourd’hui? Soyez cohérent, consistant et déterminé. Dites-lui que vous n’avez rien pour lui. C’est vrai, après tout, vous ne pouvez pas inventer des mandats, mais vous êtes intéressé à établir le contact et à le suivre dans sa démarche. Vous ne réalisez pas à quel point, à ce moment précis, vous venez de faire une différence. D’autant plus qu’il a certainement des choses à vous apprendre sur son ancien employeur et sur ce qui se passe actuellement sur le marché. Il vous le rendra demain quand vous le contacterez pour un nouveau mandat, car il se souviendra de la façon dont vous l’avez traité.
– Repérez les futurs bassins de recrutements et identifiez les cibles de talents potentiels. Quelles sont les entreprises de votre secteur qui font des mises à pied, qui dans vos compétiteurs vous semblent plus affaiblis? Vous avez désormais un accès gratuit à de l’intelligence de marché. Attention, soyez honnête, transparent et surtout éthique. Ne vous prenez pas pour un agent 007 et veillez à faire bon usage de l’information que vous obtiendrez…
– Développez votre réseau interne et externe. Profitez-en pour tisser des liens avec les acteurs de votre industrie, de votre secteur et de votre entreprise. Rencontrez vos gestionnaires, apprenez à mieux les connaître (incroyable comme, en temps de crise, l’être humain se révèle). Mettez à jour votre profil sur Facebook, Linkedin, soyez à l’affût des nouveaux sites comme Twitter et apprenez à vous servir de ces outils pour vos recrutements. Faites-vous connaître auprès des associations professionnelles de votre secteur, impliquez-vous dans les forums de discussions et tables rondes. Faites parler de votre entreprise. Sortez dans les événements, les cocktails et autres plateformes de rencontres professionnelles. Bref, rapprochez-vous de votre cible et de vos clients internes. Il faut savoir démontrer que vous êtes autant intéressé à eux en mode croissance que décroissance.
– Mettez à jour vos bases de données, vos politiques et procédures. Vous en gagnerez autant en efficacité demain.
Le choix d’être un professionnel des ressources humaines, et en particulier de recrutement, est fondé sur des valeurs solides. C’est le moment de les véhiculer et de prouver que vous avez une grande valeur ajoutée. Si le recrutement est perçu comme un acte transactionnel, et bien c’est le moment de prouver le contraire et de démontrer que « recruter intelligent » repose sur le mode relationnel. En clair, c’est votre réseau, le marché et votre capacité à établir des contacts privilégiés avec les individus qui feront que vous pourrez recruter de manière plus ciblée et rapide les meilleurs talents.
La crise vous offre enfin cette opportunité, ne la laissez pas s’échapper.
Nathalie Francisci, Adma, CRHA
Vice-présidente exécutive
chez Mandrake Groupe Conseil