Accusée de tous les maux tant en couple qu’au travail, la routine est souvent vue comme l’ennemi du changement. Mais est-ce vraiment le cas? Une étude danoise lève le voile sur son rôle inédit dans les changements organisationnels.
Les exemples de collègues qui se braquent dès lors qu’on leur propose de changer leurs méthodes de travail pour de plus efficaces sont légion. Difficile alors de les imaginer autrement que les deux pieds bien enfoncés sur le frein lorsqu’une restructuration plus importante doit avoir lieu.
Trois chercheurs en design et stratégie organisationnel de l’Université du Danemark du Sud, ont senti le besoin de remettre en question ces croyances.
S’adapter dans la routine, est-ce possible?
L’équipe composée de Sangyoon Yi, Thorbjørn Knudsen et Markus Becker s’appuie sur des études qui, outre les effets négatifs du ronron quotidien au travail, rapportaient certains avantages à celui-ci, notamment celui de laisser plus de place à la créativité. La répétition des tâches finit, en effet, par créer un automatisme chez les personnes qui les accomplissent jour après jour. Par conséquent, leur cerveau aurait le champ libre pour penser à autre chose, et avec de la chance, à des idées de génie.
Partant de là, les chercheurs ont voulu vérifier les conséquences d’une entreprise qui doit entreprendre un changement important alors qu’elle est considérée comme assez routinière. Pour mieux comprendre le modèle de calcul développé par l’équipe, il suffit de comparer une telle organisation à une ruche à laquelle contribue chaque abeille par son rôle bien défini. Ce sont donc les tâches répétitives de chaque abeille qui veillent au bon fonctionnement de la ruche. Si on vient perturber le système de la ruche, on force alors plusieurs abeilles à déroger de leurs tâches habituelles pour réagir à l’événement. Et qu’arrive-t-il à la ruche après ce bouleversement?
Les résultats ont de quoi donner envie à tout employeur d’entretenir les habitudes routinières de ses employés plutôt que de tenter de les briser.
L'avantage d'avoir le pied sur le frein
Sans surprise, l’étude montre que l’adaptation est plus difficile pour les effectifs routiniers puisque leur premier réflexe est de résister aux changements. Mais ce à quoi on ne s’attendait pas, c’est que dès lors qu’un changement a été planifié, cette résistance donnerait le temps nécessaire et la possibilité à l’entreprise d’améliorer la transformation en cours.
Le changement ressemble en quelque sorte à un véhicule qui file à toute allure et que la routine permet de freiner afin de corriger le tir, si par exemple, il se dirigeait tout droit dans un fossé. Une fois la situation redressée, le changement peut ensuite se faire plus rapidement et se déployer à l’échelle de l’entreprise.
Un changement organisationnel réussi passerait donc par une sage utilisation de la force d’inertie inhérente à la routine, ce qui améliore le processus chemin faisant plutôt qu’après sa mise en place.
Il s'agit certainement d'un bon moyen d’éliminer bon nombre de réunions pour faire le bilan des changements apportés.