Éteindre son téléphone intelligent, programmer un courriel automatisé et fermer son ordinateur. Pour certains employés, pouvoir décrocher en vacances relève plutôt d'un rêve que d'une véritable capacité.
C'est du moins ce que révèlent les résultats d'un récent sondage commandé par la firme de recrutement Accountemps. Parmi les 400 travailleurs canadiens interrogés, 33 % d'entre eux ont déclaré prendre habituellement des nouvelles du bureau au moins une ou deux fois par semaine au cours de leurs vacances ; une diminution de seulement 3 % depuis 2016.
Pourtant, plus de la moitié des travailleurs ont admis avoir besoin de plus de temps pour se ressourcer. Également, 26 % des employés interrogés ont affirmé envisager de prendre plus de jours de congé. Un paradoxe semble ainsi sévir entre le désir de se reposer et l'incapacité de décrocher.
Incapacité de décrocher
Parmi les raisons invoquées, le besoin de s'assurer que tout se passe bien arrive au premier rang à 55 %. Vient ensuite le désir de faire progresser les projets (51 %), éviter un surplus de travail au retour (47 %) et éviter aux collègues un stress supplémentaire (25 %).
« Il y en a qui se sentent coupables de prendre des vacances et, parfois, les organisations accentuent ce sentiment. Dans d'autres cas, les vacances sont en quelque sorte une punition. La personne sait que, quand elle reviendra, le travail se sera accumulé et la charge de travail sera plus grosse », explique Luc Brunet, professeur titulaire au département de psychologie de l'Université de Montréal. La tendance serait omniprésente chez les 35-55 ans. « Ça fait plus longtemps qu'ils sont au service de l'entreprise, il y a un devoir de loyauté qui est intégré à leur façon de faire. Ils ont donc plus de difficulté à décrocher », dit le professeur.
D'autant plus que le développement des nouvelles technologies a donné naissance à un nouveau phénomène de société appelé le « stress numérique ». L'employé est désormais joignable en tout temps et doit constamment faire face à un flux d'informations. « Pour les gens qui sont cyberdépendants, ça accentue la possibilité de s'accrocher au travail », note M. Brunet.
L'individu peut ressentir le besoin de répondre sur-le-champ, oubliant que le travail s'introduit alors dans sa vie familiale et personnelle. Au fil du temps, celui-ci ne fait que se rapprocher de l'épuisement professionnel, et sa productivité s’en trouve diminuée.
Le besoin de se ressourcer
Ainsi, un bon nombre de spécialistes s'entendent pour dire que tous les individus doivent s'accorder une pause de temps en temps. « Il y a une limite à ce qu'on peut donner comme énergie physique et psychologique au travail », croit Luc Brunet.
À savoir le nombre de jours nécessaires en moyenne pour être en mesure de véritablement décrocher, le professeur titulaire ne peut se prononcer. « Une journée de stress n'est pas récupérée par une journée de repos. Ça prend plus que ça. Plus le travail devient stressant, plus ça prend de périodes où l’on peut se reposer », précise-t-il.
Dans une ère où tout le monde est hyperconnecté, il va de soi que les vacances commencent par laisser son cellulaire de côté. Mais pour Luc Brunet, c’est également la culture d’entreprise qu’il faut changer… en accordant du temps de repos à son employé et en s'interdisant de le contacter lorsque celui-ci est en congé.