Butiner d’une entreprise à l’autre favoriserait-il une plus grande progression salariale que d’attendre patiemment une promotion? Oui, mais le problème de la rétention des employés dépasse la seule dimension du salaire.
Les prévisions 2014 de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés ont tablé sur une augmentation salariale moyenne de 2,7 % au Québec pour un taux d’inflation de 1,7 %. Ce qui signifie que la hausse réelle est de seulement 1 %. La tentation d’aller voir ailleurs pour permettre à sa rémunération de grimper est donc grande pour les employés.
Un choix payant?
Si changer d’emploi fréquemment peut permettre d’atteindre un salaire plus élevé à court terme, ce choix n’est pas forcément avantageux à long terme. « Les gens perdent de vue qu’ils ne se construisent pas d’ancienneté, note René Jolicoeur, CRHA et ancien vice-président senior des ressources humaines de GE Capital. Au bout du compte, ils perdent au chapitre de la retraite et des avantages liés à l’ancienneté. »
Côté employeurs, la mobilité accélérée des salariés a ses avantages et ses inconvénients. Si elle augmente les coûts de recrutement, elle permet d’apporter du sang neuf dans l’entreprise et de laisser partir des travailleurs inadéquats pour le poste ou n’ayant plus la motivation nécessaire pour accomplir leur mission. « Un plus grand roulement peut rendre plus facile le respect de la loi sur l’équité salariale », ajoute M. Jolicoeur. Sur le plan de la formation, son coût peut pâtir d’une arrivée fréquente de nouveaux employés, mais aussi bénéficier du fait que ces personnes ont été formées ailleurs.
Des pistes de solution
Pour le consultant en ressources humaines, les entreprises gagneraient à faire preuve de plus de pédagogie auprès de leurs salariés. « Il faut expliquer la politique de la compagnie en matière de salaires, la progression salariale et les avantages sociaux », estime M. Jolicoeur.
Améliorer la rétention des travailleurs passe également par une meilleure prise en compte des facteurs qui vont les faire rester. Car, pour M. Jolicoeur, la question de la rémunération est souvent secondaire. « Le salaire est rarement ce qui motive un employé de démissionner, affirme-t-il. Le phénomène des changements fréquents d’emploi s’explique plus par une peur de l’engagement et par une tolérance moins grande à l’égard des employeurs qui traînent les pieds pour aider les employés à se développer. »
M. Jolicoeur recommande donc un outil aux entreprises : les stay interviews. Plutôt que d’attendre l’entrevue de départ du salarié pour en savoir plus sur les raisons de son mécontentement, faire le point en cours de mission est préférable. « Quand je travaillais pour GE, je faisais des stay interviews avec les gens qui avaient du potentiel et je leur demandais ce qui les faisait rester et ce qui les ferait partir », raconte-t-il.
Investir dans la formation des superviseurs de première ligne est également nécessaire. « Car on se joint à une compagnie, mais on quitte un patron », rappelle M. Jolicoeur.
La mobilité accélérée des travailleurs concerne davantage ceux de la génération Y. Mettre en place des dispositifs spécifiques à destination de ces salariés va permettre de favoriser la rétention. « Il faut trouver ce que veut la jeune génération et travailler à le lui donner et à la surprendre », considère M. Jolicoeur. Les programmes de coaching et de mentorat sont des moyens d’y parvenir.