Licenciements massifs, impartition, délocalisation, restructuration constituent autant de types de changements qui peuvent affecter les employés d’une organisation. Le succès de telles opérations commence dès la conception. Préparer, communiquer, mettre en place et gérer les conséquences de la transformation. « Les changements doivent se réaliser dans la plus grande harmonie possible », opine Colette Charpentier, conseillère principale chez Knightsbridge. « Le succès commence avant la réorganisation : comment elle est mise en place, comment elle est communiquée. Il faut prévoir la logistique, le contenu des lettres aux employés, etc. Les survivants d’une réorganisation jugent l’entreprise en fonction de ce qu’elle a fait pour ceux qui partent », rappelle-t-elle.
Annoncer à l’avance ou pas? Quand l’entreprise doit-elle annoncer la réorganisation? Il n’existe pas de bonne réponse à cette question, opine Colette Charpentier. « Je demande souvent aux gens que je rencontre comment ils aimeraient être traités s’ils se retrouvaient dans une telle situation. Ensuite, je leur fais voir qu’une autre grille d’analyse est possible. Chaque approche comporte ses avantages et ses inconvénients. » Elle constate que certaines personnes préfèrent apprendre le changement à la dernière minute. « Elles veulent éviter le stress de l’incertitude qui accompagne le changement », précise la conseillère principale. D’autres, au contraire, veulent connaître les éventuels changements le plus tôt possible. « Cela leur permet de prendre leurs décisions en toute connaissance de cause. Elles reporteront l’achat d’une maison, par exemple. » « Le moment de l’annonce doit tenir compte d’une multitude de critères d’ordre économiques et du secteur où œuvre l’entreprise. Nous devons évaluer chaque situation au cas par cas », opine-t-elle. À éviter à coup sûr : appeler l’employé au cours de la nuit pour lui annoncer qu’il n’a plus d’emploi. Ça s’est vu récemment! « Une règle d’or consiste à respecter les employés, autant ceux qui partent que ceux qui restent, souligne Colette Charpentier. L’entreprise doit bâtir un solide plan de communication. »
Après la réorganisation Les superviseurs doivent s’impliquer, être présents sur le terrain, estime-t-elle. « Le superviseur est aussi un employé. Il vit des émotions, il n’a pas à s’en cacher. Il n’a pas à se montrer au-dessus de tout ça, il doit inciter à l’action. » Par exemple, le superviseur pourra témoigner de l’apport des employés qui sont partis, que ce soit au niveau des réalisations ou de l’ambiance de travail. Le superviseur doit aussi laisser aux survivants la possibilité de ventiler leurs émotions, que ce soit la colère ou l’inquiétude. Dans un contexte de réorganisation, les superviseurs peuvent avoir tendance à se limiter à la politique de la « porte ouverte ». « Cela ne suffit pas, plaide Colette Charpentier. Les employés n’iront pas voir leur patron. Ils sont inquiets et craignent d’être étiquetés par leurs collègues de travail. Le superviseur doit aller vers les gens, en allant prendre un café lors du dîner, par exemple. »
Trois types de survivants La conseillère principale de Knightsbridge distingue trois types de survivants : l’observateur, le défaitiste et l’hyper optimiste. Le premier adopte une attitude wait and see : « On verra ce que ça donne », se dit-il. Le second n’accorde aucune confiance à la réorganisation, tandis que le troisième est convaincu que tout ira comme par enchantement. Chacune de ces personnalités comporte ses défis. On tentera de mettre les deux premières dans le coup. On pourra leur dire : « J’ai besoin que tu m’aides à atteindre les objectifs ». Il faut aller chercher leur motivation. L’hyper optimiste peut constituer une bombe à retardement. « Si ses attentes ne sont pas comblées, l’hyper optimiste risque la démotivation et la démobilisation, prévient Colette Charpentier. Il deviendra alors observateur ou défaitiste. Le superviseur a alors intérêt à calmer les attentes de l’hyper optimiste. »
Rester ou partir? Les survivants ne jouent pas un rôle passif dans une réorganisation. Ils doivent évidemment répondre aux nouvelles attentes de l’employeur, mais ils doivent aussi se situer face à eux-mêmes. « Les survivants doivent faire une introspection, convient la conseillère principale. Se sentent-ils à l’aise pour continuer d’œuvrer au sein de l’entreprise. Estiment-ils avoir les outils suffisants pour continuer leur carrière dans une autre entreprise? Les survivants ne sont pas impuissants face à la réorganisation. Ils détiennent un pouvoir de décision sur leur propre avenir. »
Quand il n’y a pas de mises à pied Une réorganisation n’entraîne pas nécessairement des mises à pied. Conseillère principale dans l’équipe de gestion stratégique du talent chez AONEve Zeville donne l’exemple de certaines réorganisations suite aux fusions municipales. « L’adhésion de la direction aux changements et une aptitude à bien en expliquer les motifs comptent parmi les conditions gagnantes d’une réorganisation réussie, estime-t-elle. L’organisation doit développer une démarche rigoureuse de planification du changement et y intégrer une excellente stratégie de communication. Les gestionnaires pensent trop souvent que d’annoncer le changement une seule fois suffit. Ce n’est pas le cas. La démarche de changement doit mettre les employés dans le coup. » Une réorganisation peut comporter une révision de la description de postes. « Une restructuration qui touche aux fonctions même des individus génère beaucoup de réticences auxquelles les dirigeants doivent apprendre à faire face, souligne Eve Zeville. L’organisation doit offrir aux employés des occasions d’interagir avec la direction, de poser des questions afin d’être rassurés quant aux changements à venir et de pouvoir s’adapter et y répondre. »
Un organigramme lié à la mission Plus globalement, toute réforme d’un organigramme doit être intimement liée à la mission de l’entreprise ou de l’organisation. Eve Zeville donne l’exemple de la restructuration au niveau du secrétariat d’un organisme sans but lucratif comptant une cinquantaine d’employés desservant plusieurs milliers de membres. L’organisme voulait se rapprocher de ses membres. « Les deux principaux critères qui motivaient les changements étaient l’établissement d’une meilleure communication entre le secrétariat, les membres et les comités de travail, d’une part, et une meilleure transparence dans les relations », souligne Eve Zeville. L’organisme a créé une équipe de pilotage pour planifier le changement. « Souvent, la direction n’a pas le temps de planifier toutes les étapes, Eve Zeville. Son rôle principal consiste à approuver les changements. » Une équipe de pilotage comporte plusieurs avantages. Elle décentralise la réflexion. Elle permet de tenir compte des diverses réalités d’une organisation. Finalement, les membres du comité, s’ils jouissent d’une bonne réputation auprès de leurs collègues, deviendront des catalyseurs du changement, facilitant d’autant l’adhésion aux transformations. Le nouvel organigramme de cet organisme à but non lucratif prévoit la création d’un guichet unique permettant aux membres d’obtenir les réponses qu’ils souhaitent plus facilement et plus rapidement. « Environ 60% des demandes sont maintenant directement traitées à l’accueil, souligne Eve Zeville. Les autres demandes sont référées aux intervenants concernés. » Ce changement à l’organigramme a exigé une plus grande relation de partenariat entre les employés. « En conséquence, souligne la conseillère principale chez AON, la nouvelle structure a éliminé la concurrence entre les employés. » Quant aux membres, ils ne se perdent plus dans le labyrinthe des différents services de l’organisation.
Vivre ou subir le changement « Le pire que l’on puisse proposer à quelqu’un, c’est de subir ou de devenir l’observateur impuissant des transitions qui le concernent, fussent-elles positives », affirme Alain Cardon, auteur de Leadership de transition, publié en début d’année aux Éditions d’Organisation, en France. A l'aide d'exemples, l’auteur propose un regard stratégique et pratique pour accompagner les entreprises en transition, qu'elles soient voulues ou subies. Se fondant sur l'approche système, Alain Cardon décrit et analyse le processus de transition suivant les différentes phases qui le composent : conception, consolidation, maturité et distanciation. À chaque étape, il fait le point sur les compétences requises, les enjeux et les stratégies d'accompagnement pertinentes. La seconde partie du bouquin traite de l’accompagnement des processus de deuil à travers ses diverses phases : la réaction (période de colère), la commémoration (période de tristesse), la rétraction (période de peur) et la tractation. L’auteur est consultant et coach international depuis 1976. 9782708132733.gif L'ouvrage est présenté sur le site des Édition d'Organisation