Mission : fouiller dans le passé des candidats

CV falsifiés, compétences gonflées, passé judiciaire oublié… Certains candidats ne lésinent pas sur les moyens pour parvenir à décrocher un poste. Afin d’éviter les mauvaises surprises, de plus en plus d’employeurs font appel à des spécialistes pour éplucher les antécédents de leurs futurs collaborateurs. Johanne Straiti est directrice de la vérification pré-emploi chez Garda, un des leaders canadiens du secteur. Elle a accepté de nous présenter sa mission un peu particulière.

Pourquoi enquêter sur le passé des candidats ?

Pour nos clients, c’est un souci de prévention. Cela permet d’être assurés que les profils des candidats cadrent avec les postes à combler. Selon une étude que nous avons réalisée en interne, 22 % des candidats falsifient leur CV, 7 % prétendent détenir un diplôme qu’ils n’ont pas et 7 % ont un dossier criminel ! Il y a de plus en plus de fraudes à cause des nouvelles technologies. Avec Internet, il est devenu très facile d’obtenir de faux documents. Aujourd’hui, de 30 à 40 % du total des candidatures sont vérifiées par un prestataire spécialisé. Les besoins des entreprises sont croissants. C’est assez nouveau au Canada, car auparavant cela se faisait surtout en interne.

Quels types de vérifications effectuez-vous ?

Nous sommes amenés à vérifier toute une série d’antécédents : diplômes, expériences professionnelles, comportement au travail, dossier de crédit, statut d’immigration, passé judiciaire… Cela dit, les demandes de nos clients varient grandement selon le niveau de responsabilité qu’ils souhaitent confier à leurs futurs collaborateurs. Par exemple, pour un poste de transporteur de valeurs, on vérifie toujours le dossier criminel des candidats. En revanche, lorsque l’emploi n’implique pas de responsabilités financières, les recruteurs se contentent d’une vérification simple. Le plus souvent, notre travail se limite à valider les compétences et les diplômes.

Comment obtenez-vous ces renseignements ?

Nous contactons les anciens employeurs et les personnes-références des candidats. Pendant 15 à 30 minutes, nous les questionnons sur les performances de la personne, ses points forts et ses points faibles, sa capacité à travailler en équipe, sa ponctualité et son assiduité. Est-ce que le candidat a l’habitude de gérer des projets de A à Z ? Fait-il preuve de leadership ? Sait-il gérer le stress ? Nous finissons toujours avec la fameuse question : est-ce que vous réembaucheriez cette personne ? Ça donne un bon aperçu du profil du candidat.

Et pour les informations plus « sensibles » ?

À part le dossier provincial de la Cour qui est public, toutes les autres demandes d’informations nécessitent l’autorisation de la personne sur laquelle on enquête. C’est valable pour le dossier judiciaire national comme pour le dossier de crédit. Une fois cette autorisation obtenue, il ne nous reste plus qu’à faire les demandes auprès des autorités compétentes.

Vous n’enquêtez donc pas sur les candidats à leur insu ?

Non, c’est illégal. Nous devons respecter la loi sur la protection des renseignements personnels. Nos clients se chargent donc de demander un consentement aux candidats. Ces derniers sont toujours éclairés sur la nature des vérifications que les recruteurs nous demandent de réaliser : solvabilité, références… Souvent, ce sont même eux qui donnent des noms de personnes ressources à contacter. Il n’y a pas de secrets, ce n’est pas une enquête de police ! Un candidat peut très bien refuser de nous donner son numéro d’assurance sociale ou sa date de naissance, cela ne compromet pas sa démarche.

Pourquoi vos clients ne font plus ces vérifications en interne ? Quels sont les délais et les coûts de vos prestations ?

Nos clients font appel à nous car la vérification en interne est trop coûteuse et elle demande trop de temps au personnel des ressources humaines. Ceux-ci préfèrent se concentrer sur le cœur de leur métier. En tant que fournisseur, nous avons développé une expertise dans la recherche et la centralisation d’informations. Pour une somme modique – de 35 à 200 $ – nous fournissons un rapport de 3 à 10 pages sur un candidat. Les délais varient entre 24 heures et 5 jours s’il faut collecter des renseignements à l’étranger.

Quel est le profil de vos vérificateurs ?

Je dispose d’une équipe d’une trentaine de professionnels de l’enquête par téléphone. Du fait de la diversité des besoins de la clientèle, ce ne sont pas uniquement des spécialistes des ressources humaines. On trouve aussi des avocats, des bacheliers en criminologie, des profils plus administratifs… En plus d’avoir une excellente connaissance du milieu de l’emploi, je leur demande d’être polyvalents, organisés et d’avoir un bon service à la clientèle. Sans oublier un certain sens de l’humour, pour établir une complicité avec le client !

Quels problèmes rencontrent-ils le plus fréquemment ?

Beaucoup d’entreprises ont comme politique de ne pas donner de références. Nous ne pouvons pas contourner cela. Toutefois, même si nous n’apprenons presque rien sur les compétences d’une personne, nous arrivons généralement à obtenir quelques informations de base. C’est très rare que nous n’ayons pas au moins les dates d’un emploi ou les raisons d’un départ.

La vérification pré-emploi n’est donc pas infaillible ?

Il n’y a rien d’infaillible ! Des anciens conflits personnels entre le candidat et le référent peuvent rejaillir sur les réponses. Nous devons en tenir compte et faire preuve d’objectivité. De même, deux personnes peuvent avoir le même nom et la même date de naissance, ce qui peut impliquer de sérieuses erreurs dans le traitement du dossier criminel. À nous d’être extrêmement rigoureux dans l’analyse des informations. À nous aussi – par l’entremise de l’employeur – d’impliquer le candidat dans le processus de vérification de ses références.

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