Gérer la carrière à l’interne ? Mythe ou Réalité ?
Mon premier poste en gestion des ressources humaines concernait la gestion des carrières internes. À ce titre, je me souviens avoir développé des cartographies de métiers et des profils de compétences pour pouvoir amener les employés à changer de poste plus facilement à l’interne selon leurs habiletés et les compétences clés qu’ils développaient. Un projet de grande envergure qui m’occupa pendant plus d’une année. La jeune gestionnaire de ressources humaines que j’étais voyait dans ce projet d’envergure une occasion unique de positionner l’entreprise pour laquelle je travaillais comme un des employeurs d’avant-garde, de réduire le turn-over des employés qui quittaient faute de perspectives de carrière à moyen et long terme et de favoriser le développement professionnel et personnel de nos employés.
C’était sans compter les gestionnaires…
En effet, combien de cadres identifiés comme des hauts potentiels, ayant bénéficié de programmes de coaching et ayant intégré un programme de formation et de mentorat restent vraiment à long terme dans une entreprise ? Je vous vois venir avec vos objections… Les meilleurs quittent trop souvent pour se réaliser ailleurs, peu importe qu’ils doivent rembourser ou non une partie du MBA que vous leur avez financé. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas le goût (ou la patience) d’attendre qu’un poste se libère. Pour un cadre de 30 ou 35 ans, 3 ans c’est trop long. En plus, quelles sont vraiment les garanties que l’on va lui offrir le poste ?
Certaines entreprises se sont aussi un peu « brûlées » sur ce terrain. Le bouche à oreille dans l’entreprise va vite pour ce genre de dossier. « Ils m’ont promis ce poste, j’ai joué le jeu et attendu et c’est un autre qui l’a eu… ». C’est vrai aussi qu’il est bien difficile de s’engager sur du long terme, qui sait si le cheval sur lequel vous aviez misé il y a 3 ou 5 ans est le bon ?
Est-ce à dire que je ne crois pas à la mobilité interne ? NON bien sûr ! J’y crois seulement si l’entreprise prouve que c’est une réalité, que les employés suivent un parcours pour les amener à occuper des postes plus élevés ou plus spécialisés. N’oublions pas que la mobilité interne n’est pas obligatoirement ascensionnel mais qu’elle peut offrir à vos employés des voies alternatives, n’est-ce pas ? Si vous recevez un employé en entrevue à l’interne, recevez-le avec des vraies intentions et donnez-lui une vraie chance. Combien de fois ai-je entendu, « on fait le processus à l’interne, juste pour dire, mais on ne prendra personne ». « On ne veut que du sang neuf, mais les ressources humaines nous obligent à faire un processus à l’interne ! ». Que d’énergie gâchée et de frustrations générées. Assumons nos décisions et parlons franchement et ouvertement avec nos employés ! De même, combien de fois certains candidats m’ont dit «mon patron refuse de me laisser partir pour un autre groupe à l’interne alors il s’organise pour que je ne puisse pas avoir la job ! ».
Il est regrettable qu’il soit plus facile de quitter à l’externe que d’évoluer à l’interne. Tant que les gestionnaires ne joueront pas la carte de la mobilité interne et garderont égoïstement leurs ressources pour eux-mêmes, il n’y aura pas de vraie gestion de carrière à l’interne… À moins qu’on leur donne les moyens de favoriser les échanges. Si on reste dans le cercle du « je déshabille untel pour habiller l’autre » , il n’y aura pas de bénéfice pour un gestionnaire de laisser un de ses employés aller pour un autre groupe (je me mets aussi à sa place), mais si on lui offre une solution de rechange alors il vous écoutera. La mobilité interne a donc un coût et elle nécessite un budget spécial, ce n’est en aucune façon une solution pour faire baisser les coûts de recrutement externe bien au contraire, c’est un investissement à long terme !