Le recruteur change parfois de chaise. Tous les recruteurs vivent un jour ou l’autre l’étrange expérience de se faire recruter. Étrange expérience car lorsque deux professionnels exerçant le même métier se rencontrent, ils se renvoient leur propre image. Consciemment ou inconsciemment, ils s’évaluent et l’effet de Halo est encore plus présent. Attention à ne pas tomber dans le piège du « je veux te prouver que je suis bien meilleur que toi »…
Recruter un bon recruteur, on le sait, n’est pas une tâche aisée. Malheureusement, cette fonction est encore trop souvent perçue comme une porte d’entrée dans les directions et services de ressources humaines. On a encore cette vision du recruteur « machine à entrevue » qui passe son temps à lire à la loupe des CV, à fouiller le Web à la recherche des perles rares et à coordonner le travail de recruteurs externes quand il est trop débordé. Le recruteur est pourtant un maillon essentiel pour l’attraction des talents : il doit apporter une grande valeur ajoutée et faire preuve de sens « tactique ».
Le recruteur tactique
Si la fonction ressources humaines se doit d’être stratégique – vision long terme, planification et coordination de l’ensemble des actions visant à supporter le plan d’affaires de l’organisation –, la fonction recrutement est, quant à elle, plus souvent cantonnée dans la tactique, à savoir une action plus ciblée donnant des résultats à court terme. Nous sommes encore dans des modes action-réaction. Un départ annoncé dans l’entreprise équivaut à un nouveau dossier sur le bureau du recruteur. Probablement que d’ici quelques années, la fonction recrutement combinera une stratégie à long terme à des opérations tactiques ciblées sur le terrain. Alors comment évaluer si le recruteur que vous avez en face de vous est plutôt tactique ou stratégique?
L’intuition et l’orientation client diront certains. Le candidat-recruteur doit avoir un sens inné du service à la clientèle. Il doit démontrer sa capacité à accompagner aussi bien les clients internes que les candidats internes et externes. Il doit cumuler jugement, capacité à évaluer des compétences et aussi empathie.
Voici les éléments essentiels à scruter chez notre candidat-recruteur pour éviter de finir « cordonnier mal chaussé »!
- L’approche. Comment est-il arrivé jusqu’à vous? Dispose-t-il d’un solide réseau de contacts qui vous a recommandé son profil ou s’est-il manifesté spontanément? Dans tous les cas, le réseau de contacts de votre recruteur est à considérer et à évaluer. Il va devenir un de vos porte-paroles pour attirer les meilleurs, alors assurez-vous qu’il a ses entrées dans les bons forums.
- Que connait-il des métiers qu’il recrute? Quelles sont les fonctions ou les industries qui l’intéressent le plus et pourquoi? Un bon recruteur doit être capable de parler avec passion des métiers ou des fonctions pour lesquels il recrute. Afin de développer une relation privilégiée avec les candidats et d’établir sa crédibilité auprès des gestionnaires et clients internes, il doit posséder le langage, les codes et connaître les enjeux et tendances dans les domaines pour lesquels il recrute. Voilà sa valeur ajoutée : combiner sa compréhension des métiers avec sa capacité à cerner les individus et bien les évaluer. Demandez-lui de vous dresser un portrait des candidats qu’il recrute habituellement dans son entreprise actuelle par exemple. Comment les distingue-t-il? Comment reconnait-il un bon candidat d’un moins bon? Quels sont ses indicateurs?
- Quelle est sa vision de l’organisation? Quels enjeux identifient-ils à votre organisation pour le recrutement? Que comprend-il des facteurs économiques et financiers ayant un impact sur votre industrie ou votre entreprise? Est-il au fait des ratios, données et tendances de son industrie et de la vôtre? Comment établit-il des liens entre les différentes fonctions de l’organisation?
- Quelles sont ses « armes » favorites? Est-il encore à attendre que les candidats répondent à ses annonces ou bien est-il déjà très présent dans les médias sociaux, le Web 2.0, les groupes d’intérêts, les associations, etc.? Un recruteur doit être capable d’innover, de sortir des sentiers battus. Il doit être curieux pour poser de bonnes questions aux candidats, mais aussi pour trouver des moyens de les attirer. Demandez-lui quels ont été ses meilleurs coups de recrutement et pourquoi? Défiez-le sur sa vision d’un recrutement innovateur. Qu’a-t-il à son actif comme réalisations en matière d’attraction des talents?
- Quel est son niveau d’énergie? Combien de dossiers est-il capable de gérer efficacement? À partir de combien se sent-il perdre pied? Combien de temps consacre-t-il en moyenne par entrevue? Combien peut-il en mener par jour? Comment se ressource-t-il?
- Évaluez sa résilience et sa capacité à rebondir. Se sent-il responsable et engagé à servir son organisation? Est-il d’un naturel optimiste? Est-il en mode solutions?
- Quelle est sa bête noire? Qu’aime-t-il le moins dans ses fonctions (tâches ou activités)? Compte tenu de la grande diversité de recruteurs, il est capital de savoir à quel genre vous avez affaire et d’identifier le profil dont avez besoin. Entre un « vendeur » – souvent très relationnel et allergique aux politiques et procédures – et un « cérébral », il fait trouver le juste milieu. Le meilleur des deux mondes est de créer des équipes mixtes avec les deux styles pour vous garantir une équipe de recrutement efficace.
Il va sans dire qu’un bon recruteur vous jugera sur vos processus et votre approche. Soyez donc honnête. On n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace…
Nathalie Francisci, Adma, CRHA
Vice-présidente exécutive
chez Mandrake Groupe Conseil