Ce matin, en ouvrant ma boite courriel, un message d’un de mes réseaux sociaux m’a interpellée. « Nathalie, 520 de vos contacts ont changé d’emploi en 2010 ! » Non seulement je recevais directement des données statistiques affectant mon réseau mais, en plus, j’avais accès à la liste des individus concernés! Sans aucun effort direct de ma part (j’y reviendrai… on n’a rien sans rien et ceci est le résultat d’un investissement de plusieurs années), je dispose d’une base de données actualisée correspondant à 1/5 de mes contacts de ce réseau particulier. Intéressant… très intéressant!
Tous les CRM (Customer Relationship Managers), gestionnaires de contacts fournis par les firmes de services informatiques en RH ne peuvent produire cette information. Pourquoi? Parce que cela suppose que la mise à jour a été faite par un tiers. Quelqu’un dans l’organisation a veillé à la qualité de la fraicheur des informations contenues dans la banque de données au lieu de l’inverse, à savoir l’individu lui-même qui prend les choses en mains et met à jour lui-même son profil. Le pouvoir des flux RSS et des réseaux est immense pour ceux qui savent s’en servir.
L’ancienne recruteuse que je suis a eu une pensée pour ses confrères et collègues chasseurs de têtes qui courent après ce genre d’informations au quotidien. Qui est où et qui fait quoi? Qui a bougé récemment? Et surtout… comment retracer les individus qui partent sans laisser d’adresse et qui ne mettent pas spontanément leur CV à jour dans les bases de données des recruteurs (internes ou externes…). Allo la Terre? Aujourd’hui Facebook, Linkedin, Viadeo, Spokes sont vos nouveaux amis…
Un récent article du Wall Street Journal (que je partageais d’ailleurs via mon Linkedin et mon profil Twitter) mettait le phénomène en lumière en mentionnant que les recruteurs n’avaient plus le choix de s’organiser pour débusquer les candidats avant qu’ils ne se mettent sur le marché ni de les traquer avant qu’un concurrent le fasse avant eux. L’exemple retenu était celui de plusieurs entreprises qui privilégiaient les réseaux sociaux aux autres formes d’annonces via des tiers (incluant les agences et chasseurs de têtes). Près de quatre-vingt pour cent des entreprises ont mentionné qu’elles augmenteraient l’utilisation des alternatives aux sites emploi traditionnels généralistes pour des plateformes comme Facebook ou Linkedin et les références internes. On ne peut que constater la montée en puissance des sites Internet spécialisés (Niche Job Board) qui ont bravé la dernière récession avec une offre beaucoup plus ciblée et segmentée répondant ainsi aux besoins d’aujourd’hui de cibler davantage la qualité et la pertinence que la quantité. Le candidat potentiel veut recevoir des offres choisies et ciblées directement sur son téléphone portable au lieu d’aller consulter les sites emploi.
Fait plus qu’intéressant, c’est la tendance des entreprises à embaucher des recruteurs en interne ayant un profil de « chasseur de têtes », c’est-à-dire proactif et utilisant des méthodes d’approche directe. Bye bye les scrupules! Pour Sodexo aux États-Unis, il n’est plus question de gérer les processus de sélection ou de les administrer, mais d’être en veille constante sur le marché des talents. Les intermédiaires n’ont donc qu’à bien se tenir. Les entreprises aujourd’hui réalisent que les recruteurs en entreprise sont débordés par les candidatures non pertinentes au détriment de la recherche de talents qui sont en fait les candidats dits « passifs » (lire à ce sujet ma chronique sur « L’art de recruter un candidat passif » de février 2010). Les recruteurs devenus experts dans l’art de filtrer les candidatures, gérer les processus et brasser papier et courriels vont devoir se recycler rapidement dans « l’art de bâtir et développer un réseau de contacts et devenir experts en matière de chasse aux talents ». Il n’est donc plus question d’afficher les postes et attendre les réponses des potentiels candidats ni de mandater une firme de recrutement et attendre qu’elle vous présente des candidatures, mais d’agir stratégiquement en vous gardant certains mandats en interne et en travaillant en amont sur les futurs besoins pour mieux anticiper et vous préparer à bâtir un réseau utile.
Nous allons donc bientôt voir deux types de recruteurs, ceux qui seront dédiés en interne à l’entretien de la base de données et à la communication auprès du marché. Et oui! Même si les candidatures reçues aujourd’hui ne sont pas toutes pertinentes, elles méritent néanmoins de recevoir une réponse et d’être traitées ne serait-ce que par respect pour les individus et pour l’image corporative de l’entreprise. Les autres recruteurs seront sur le terrain, dans les évènements d’affaires et d’industrie, dans les associations professionnelles et les regroupements d’anciens diplômés et autres Alumni. Bref, ce type de recruteurs sera beaucoup plus proche d’un ambassadeur que d’un recruteur de sous-sol.
Belle revanche pour une profession qui n’a pas toujours été évaluée à sa juste valeur…
Nathalie Francisci, Adma, CRHA