Tolérer, c’est cautionner

 

Ce n’est pas facile de recadrer un employé, mais surtout ce n’est jamais très agréable. Généralement, on préfère les félicitations aux remontrances. Mais attention, tolérer des comportements au travail qui ne sont pas professionnels ou qui ne répondent pas aux règles de vie du bureau, ou encore une performance non satisfaisante (et l’accepter dans la durée), c’est au final les cautionner. Et du même coup, aux yeux de l’employé en question et de ses collègues de travail, c’est légitimer une situation qui ne devrait pas l’être. À terme, le problème qui va se poser, c’est l’effritement de la crédibilité du gestionnaire et l’instauration insidieuse d’un sentiment d’injustice, particulièrement démotivant pour les employés qui, eux, se conforment aux exigences.

Certains employés ont cette tendance (avouez d’ailleurs que vous aussi parfois…) à tester les limites de leur supérieur pour voir jusqu’où ils peuvent aller. De bonne guerre, certes, mais attention, c’est au supérieur de mettre les points sur les « i » et ne pas laisser traîner une situation. Une équipe, ça s’éduque aussi. Loin de moi le discours paternaliste mais, si on ne corrige pas au fur et à mesure, le comportement prend du « lousse » et laisse place à une nouvelle attitude qui, à terme, n’est pas acceptable mais… devient la norme. C’est ça « cautionner », et les patrons qui évitent les confrontations à tout prix sont plus à risque. 

 

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Lorsque l’on a toléré, sans broncher, pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois une série d’incidents, c’est quasiment impossible de revenir en arrière et l’issue est toujours la même : l’employé est congédié, il démissionne de lui-même ou c’est le patron qui quitte et… donne au suivant. Le gestionnaire suivant aura fort à faire pour redresser la barre et redéfinir la norme en plus de passer pour un vilain pendant des mois.

 

Des exemples?

Simon est un employé sympathique (très important le facteur sympathie, n’oubliez pas qu’il est toujours plus difficile de reprendre quelqu’un d’aimable et gentil que le contraire…). Il est assez apprécié par ses collègues et sa performance est acceptable. Pourtant, Simon arrive toujours en retard : un 10 minutes par-ci, un 15 minutes par-là. Il ne fera jamais une minute supplémentaire et il part toujours à l’heure. À 16 h 50, son bureau est déjà débarrassé de tout dossier, ordinateur fermé et il est prêt à sauter dehors. Le problème est que tout le monde le remarque. Ça jase dans les couloirs et devant la machine à café. Il a toujours plein de bonnes raisons pour se justifier : les horaires de bus, sa voiture est tombée en panne, il a manqué le métro, etc.

Julie travaille pour Roger depuis plusieurs années. Performance moyenne sans plus, mais pas assez mauvaise pour mettre en marche un processus de recadrage ou d’accompagnement spécifique. Son problème, c’est l’inconstance de son humeur, carrément cyclothymique la Julie. Un jour elle est dans une forme éblouissante et ses dossiers avancent à la vitesse grand « V », la semaine suivante elle oublie la moitié des consignes et on ne peut à peine lui adresser la parole. Lorsque Roger tente de traiter la situation (un jour de grande forme), elle nie et le renvoie avec un grand sourire à ses occupations de gestionnaire. Pour un peu, il serait convaincu que c’est lui qui déraille!

On ne parle pas ici de comportement hautement répréhensible ou encore de non-performance flagrante et chronique. Le risque se situe exactement dans la fine ligne grise de ce qui est à la limite tolérable et ce qu’en concluent les autres. Ce que l’on tolère par paresse, manque de courage ou laxisme, on le paie très cher en manque de performance, perte de productivité et démobilisation des troupes. C’est au gestionnaire de mettre la barre des standards et de la faire respecter.

 

La clé de l’intervention est de savoir choisir le bon moment pour prendre action. Parfois, il faut agir sur le vif, mais parfois, la confrontation sur-le-champ peut mener à la perturbation des opérations et le moment n'est pas opportun. Mais cela ne doit pas vous empêcher de revenir sur la situation ultérieurement (le lendemain ou la semaine suivante) en provoquant une rencontre pour gérer la situation : « J’aimerais discuter avec toi de ce qui s’est passé hier et de ta réaction… » ou encore « J’ai remarqué que tes retards sont de plus en plus fréquents et, depuis quelque temps, tu sembles moins engagé. J’aimerais en discuter. » Il arrive parfois que le gestionnaire soit pris au dépourvu et qu’intervenir devant le groupe pour recadrer un employé ne soit pas judicieux : la règle d’or est de ne jamais faire perdre la face à quelqu’un devant ses collègues. Par contre, ne vous privez pas en entretien privé pour faire passer votre message. Soyez le plus clair, factuel et précis possible et assurez-vous que l’autre a bien compris. Il faut éviter de tomber dans les reproches infinis et se concentrer sur les objectifs pour corriger la situation, ensemble. J’insiste sur le « ensemble », car une partie de la solution vient de l’employé en question. Ce n’est pas tout de dire « Tu n’arriveras plus en retard » ou « Ton humeur changeante affecte ta performance et l’équipe », mais ce qui compte c’est de savoir ce que l’individu va faire pour que cela ne se reproduise plus.

 

Souvenez-vous toujours que vos équipes vous observent. Vos équipes connaissent souvent mieux que vous vos points faibles et certains sont très habiles à en jouer à vos dépens. Savoir faire preuve de courage se mesure aussi dans la capacité du gestionnaire à avoir des conversations difficiles et à traiter la non-performance autant que les petits dérapages avant qu’ils ne prennent de l’ampleur. C’est de votre crédibilité et de votre légitimité dont il s’agit! 

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