Lorsqu'on y pense, il faut vraiment être solide ou un brin masochiste, pour devenir patron. Quelle misère !
– " Lonely at the top ". Demandez à n'importe quel gestionnaire ce qu'il déteste le plus dans son rôle : la solitude ! Gérer une équipe, c'est accepter d'être celui qui donne la direction. Et il n'y a qu'une personne pour le faire : vous ! C'est sur vous que les employés comptent pour les guider. C'est vous qui décidez des objectifs et déterminez les moyens de les atteindre. Lorsque vient le moment d'agir, quels que soient le mécanisme de prise de décision et la participation des employés, la décision vous revient et vous appartient. Il vous faut savoir trancher sans pouvoir partager ou échanger avec personne ni pouvoir vous reposer sur quelqu'un.
– Le poids des responsabilités. Le fardeau est lourd. On vous fait confiance, on croit en vous. Vous n'avez droit ni à l'erreur ni à la faiblesse. Les dirigeants ne peuvent ni être malades, ni avoir le " blues ", ni être indécis, sous peine de passer pour quelqu'un qui manque de leadership et de vision, ou pire, pour un mou. C'est à vous qu'incombent les basses besognes : congédier, sanctionner, contrôler ; mais c'est à votre équipe que l'on attribuera le mérite de la réussite, c'est grâce à elle que votre entreprise sera reconnue " entreprise de l'année ".
– La sanction des résultats. Vous êtes jugé tous les mois et tous les trimestres. Les commandes baissent ? Le prix de l'action chute ? La rentabilité faiblit ? Les chiffres parlent, et vous écopez. Tant pis si vous n'avez pas vu venir la crise, la chute ou la hausse du dollar, si vous n'avez pas su vous entourer des meilleurs. On vous évalue en fonction de chiffres, alors qu'on vous demande d'évaluer vos employés selon leurs compétences. C'est injuste, peut-être, mais c'est la réalité.
– La position sandwich. Coincé entre votre propre direction, le comité exécutif, le conseil d'administration et votre équipe, vous êtes pris entre les attentes des uns et les besoins des autres. Vous ne pouvez pas tout dire, mais on ne manquera pas de vous reprocher votre manque de transparence ou votre langue de bois. Impossible de choisir un camp, au risque de perdre votre emploi ou votre crédibilité. Finalement, vous êtes le jambon entre deux tranches de pain et vous ne trouvez aucune tranche de fromage pour vous soutenir.
– La perte de l'expertise. Pour gérer un groupe, il faut prendre du recul et vous éloigner des activités pour être plus stratégique. En devenant gestionnaire, vous abandonnez l'essence même de votre métier. Le développeur informatique ne programme plus : il planifie les projets ; le vendeur ne rencontre plus ses clients : il établit les objectifs de vente ; l'acteur ne joue plus : il passe derrière la caméra, etc.
Il faut bien se connaître et être sûr de soi pour passer à cette étape. Si la pression est forte pour vous amener à accepter de devenir le chef du groupe, sachez y résister et dites-vous qu'il faut autant de courage pour refuser une promotion qu'il en faut pour être patron, mais que vous dormirez peut-être mieux la nuit… Le mois prochain, je vous donnerai de bonnes raisons d'accepter la promotion. Promis.