On explique volontiers les divergences de comportement au sein des équipes par des différences de génération. Or, avec une telle division, les rapports intergénérationnels sont souvent considérés comme source de conflits et donc nuisibles au bon fonctionnement de l’entreprise. Une idée réfutée par la sociologue Béatrice Delay dans son ouvrage « Les rapports entre jeunes et anciens dans les grandes entreprises ».
Le projet européen SPReW vient de publier ses résultats sur les dimensions intergénérationnelles des changements dans le rapport au travail. Dans ce cadre, la sociologue Béatrice Delaya publié au mois de septembre une étude montrant que les relations entre les employés d’âges différents sont davantage marquées par la collaboration que l’antagonisme*. Les conflits seraient ainsi plus souvent liés aux choix des gestionnaires et des dirigeants qu’aux différences de culture et de valeurs qui caractérisent chaque génération. Cette étude européenne pourrait inspirer également les gestionnaires de ce côté de l’Atlantique…
Respect et compréhension mutuelle
Selon l’auteur, les relations de filiation sont courantes entre les travailleurs d’âges différents, et pourtant rarement évoquées. Les jeunes considèrent souvent les plus anciens comme ils aimeraient que leurs parents soient considérés, et réciproquement, les employés plus âgés imaginent leurs enfants quand ils travaillent avec les plus jeunes.
Les entretiens menés par Béatrice Delay avec les différentes classes d’âge soulignent d’ailleurs ce respect mutuel. Les jeunes, loin d’être irrespectueux et déloyaux, paraissent au contraire éviter les discours dénigrants envers les plus anciens : « Bien sûr, il y a des différences… mais ça m’énerve quand j’entends dire que les vieux sont bons à jeter à la poubelle… J’imagine mes parents à leur place… » (Jean, 27 ans, électricien opérateur, entreprise industrielle). Quant aux plus expérimentés, ils mettent un point d’honneur à aider les nouveaux arrivants : « Transmettre son savoir, c’est le devoir d’un bon père de famille. Je dois former les enfants des autres comme certains le font avec mes enfants, c’est normal. »
« D’une coopération active vers le co-apprentissage »
De ce respect mutuel, peut naître une véritable coopération pouvant aller jusqu’au co-apprentissage. À travers ces divers entretiens, Béatrice Delay démontre que les employés plus anciens prennent plaisirs à transmettre leur savoir et le font spontanément dans la majorité des cas. Il est, en effet, très gratifiant pour eux de clore une carrière de cette façon : ce rôle leur permet de rester dans leur emploi, tout en échappant généralement aux tâches plus pénibles et en acquérant une certaine reconnaissance sociale.
Or, cette volonté de transmettre son savoir est tout aussi nécessaire aux nouveaux arrivants. Elle les aide à trouver leur place dans l’entreprise et va dans le sens de leurs ambitions : « Moi, j’ai envie d’évoluer c’est normal, je suis au début de ma carrière… Ce qui veut dire apprendre vite, progresser vite… et pour ça, on a beaucoup à gagner avec les plus expérimentés, ils peuvent nous faire gagner du temps. » En effet, les plus expérimentés peuvent à la fois apprendre le métier aux nouveaux, mais aussi le fonctionnement de l’entreprise : où aller chercher l’information, comment l’obtenir rapidement. Ils transmettent à la fois les compétences professionnelles et le savoir lié à l’histoire et à l’organisation de l’entreprise.
En contrepartie, les jeunes diplômés peuvent apporter leurs connaissances théoriques <'>'>