Les programmes d’aide aux employés sont souvent sous-traités à des firmes externes. Mais ces services ne sont pas toujours à la hauteur. Une étude réalisée pour le compte de l’Association des psychologues du Québec en fait état. Aperçu.
En théorie, les programmes d’aide aux employés (PAE) sont censés aider ceux-ci à améliorer leur santé et leur productivité en prévenant ou en guérissant leurs problèmes d’ordre personnel ou relié au travail. En pratique toutefois, la multiplication de firmes privées qui se spécialisent dans les services de PAE au Québec cause peut-être plus de tort que de bien aux employés. C’est en tout cas ce que souligne une étude pilotée par le psychologue Raymond-Gabriel Therrien pour le compte de l’Association des psychologues du Québec (APQ).
La mercantilisation en marche
Au banc des accusés : les ambitions « trop commerciales » de ces firmes sous-traitantes dont le nombre ne cesse d’augmenter au Québec – les auteurs en dénombraient 24 dans le secteur privé au moment de la parution de l’étude, en 2013. Plus spécifiquement, ce sont des pratiques commerciales comme le marketing à outrance, la rationalisation de l’ensemble des coûts d’exploitation et la course au monopole qui sont ciblées par l’étude. « Plus la recherche du profit est grande […], plus il y a risque d’engendrer des problèmes éthiques et de qualité dans les services [donnés] », peut-on y lire.
Conséquences : une structure et un fonctionnement qui ont tendance à devenir bureaucratiques, normatifs et impersonnels. « Là où ça prendrait 12 à 15 rencontres pour aider correctement un patient, on se retrouve limité à 3 ou 4 dans les firmes de PAE », illustre Paul Loubier, coauteur de l’étude. Des firmes imposent également des consultations d’une durée maximale de 50 minutes, une politique qui « n’a pas de fondement clinique […], mais plutôt un rationnel commercial » déplore l’étude.
Le patient, grand perdant
Certaines vont même jusqu’à « interdire les dialogues entre le psychologue clinicien et le médecin traitant », soutient Paul Loubier. « Le tout pour bien paraître devant les compagnies qui contractent leurs services », poursuit le psychologue. Autrement dit, c’est à une véritable dénaturation de la pratique de la psychologie en contexte de PAE qu’on assiste. Dénaturation dont les grands oubliés sont les employés à desservir aux prises avec des difficultés bien réelles.
Et ce n’est pas près de changer : au Québec et au Canada, le nombre de psychologues en pratique privée est si élevé qu’il se produit une forte compétition entre eux. Résultat : les firmes privées qui les emploient en PAE ont le beau jeu de garder leurs honoraires bas – parfois davantage que ceux d’un plombier – afin d’obtenir le plus de contrats possible. « Pour beaucoup, ce type de pratique est une manière de remplir l’agenda », confirme Paul Loubier.
Celui qui était vice-président de l’APQ lors de la parution de l’étude déplore le bris de lien thérapeutique qui résulte d’une telle « course aux profits ». « Les pratiques qui en découlent peuvent vraiment faire du mal aux clients », regrette-t-il.